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les propos de madère
27 août 2015

Les propos de Madère - Reprise

Reprise

La parenthèse estivale s’achève. Comme chaque année, juillet et août ont été, en apparence, dominés par les faits divers, les accidents de toutes sortes et les aléas climatiques. La période d’oubli ou d’atténuation des préoccupations habituelles est terminée.  Fini le clapotis des vagues, les senteurs des petits chemins de campagne, la fraîcheur des sentiers de montagne et le farniente pratiqué à satiété. Tout le monde – ou presque – est repris à la fois par ses activités mais aussi par une actualité marquée par la violence. Ainsi, avant même la fin du mois d’août, une agression à caractère terroriste s’est produite dans le « Thalys » reliant Amsterdam à Paris.

D’un coup c’est le retour au réel. Ce sentiment mérite cependant d’être nuancé. En effet, malgré la période estivale, ceux qui sont demeurés attentifs à l’actualité, ont pu constater que des événements, dépassant les incidents mis habituellement en avant l’été, se sont produits. Crise grecque, accord sur le nucléaire en Iran, reprise des relations américano-cubaines, grave détérioration de la situation économique en Chine, fort développement de l’immigration, tensions dans la filière de l’élevage en France, stagnation de la croissance et maintien d’un chômage élevé dans notre pays même si on a pu observer une légère amélioration en juillet.

Autant de sujets qui ne sont pas minces ou sans conséquences sur les équilibres nationaux et internationaux.

Il ne peut être question ici de reprendre chacun de ces problèmes. Cela mériterait pourtant d’être fait. Faute d’être en situation de procéder à une analyse détaillée de ces questions – leur importance est telle qu’elles seront, de toute façon, abordées au fil des semaines dans ce blog – un focus sur trois de ces sujets permettra de resituer quelques enjeux.

D’abord, la situation grecque. Au cours du mois de juillet de difficiles négociations ont évité la sortie de la Grèce de l’Europe. Le fameux Grexit ne s’est pas produit. A cela deux raisons essentielles : la détermination des dirigeants de quelques pays, dont la France et l’Italie, décidés à éviter une cassure de l’Europe et le changement de pied du Premier ministre Grec, Alexis Tsipras. Après avoir fait adopter par referendum « le refus de l’austérité », il a accepté ensuite les mesures les plus drastiques présentées comme nécessaires au rétablissement de la situation grecque, lors des négociations, par les dirigeants de l’Europe.

Ce dispositif a ensuite été entériné par la « Vouli », le Parlement grec. Pour parvenir à ce résultat, Tsipras a obtenu l’appui de son opposition alors qu’une partie de sa majorité a voté contre ou s’est abstenue. Cette situation inconfortable a conduit le Premier ministre grec à démissionner dès que les premiers crédits ont été débloqués par l’Europe.

Des élections auront lieu en septembre…  avant que les mesures les plus impopulaires soient mises en œuvre ! Ceci est un nouveau pari de l’imprévisible leader Grec. Il est clair toutefois que, pour la deuxième fois après le referendum, Tsipras joue ainsi au poker. Il semble en situation de gagner la partie politique tant sont déconsidérés les dirigeants de l’opposition. La situation de la Grèce est-elle pour autant assainie ? Rien n’est moins sûr. Certes ce pays va bénéficier, sur trois ans, de 83 milliards de crédits supplémentaires provenant de l’Europe. Cependant, dans le même temps, les mesures d’austérité risquent d’empêcher toute reprise de la croissance nécessaire aux équilibres de ce pays notamment au remboursement de la dette qui demeure un de ses problèmes majeurs.

Les louvoiements de Tsipras en ont fait de manière étonnante une « star » de la politique internationale. C’est beaucoup d’honneur pour un gauchiste obligé de se renier face aux dures réalités économiques et, on ne le dit pas assez, à cause de l’attachement du peuple Grec à l’Europe.

L’avenir dira si ce manœuvrier parviendra à sortir son pays du marasme. Disons qu’on peut légitimement en douter même si les leaders Européens ont eu raison d’éviter le Grexit et d’empêcher ainsi un début du démantèlement de l’Europe…

Les problèmes liés à l’immigration ont aussi été très présents tout au long de l’été. Nous sommes désormais dans une situation d’arrivée exponentielle de migrants en Europe. Cette poussée, apparemment sans limites, est pour l’essentiel due aux guerres en Erythrée, en Irak, en Syrie et aux conséquences de l’effondrement des structures de l’Etat Libyen.

Tous ces hommes, ces femmes et ces enfants fuient les souffrances et la mort. Ils réclament le droit d’asile aux pays Européens constituant pour eux la sécurité et la démocratie.  Cela rappelle, et ne peut être oublié, l’arrivée massive d’Espagnols et d’Italiens voulant échapper aux régimes fascistes de Franco et Mussolini.

Aujourd’hui la situation est pire encore. Beaucoup de ceux qui quittent leurs pays acceptent le risque de la noyade pour s’éloigner enfin de l’enfer des bombardements aveugles et des répressions sanglantes.

Pour contenir ce flux, qui émeut sur le papier glacé de Paris March ou d’autres tabloïds avides de sensationnel, on n’a guère trouvé jusqu’ici que les barbelés ou les murs qu’on élève et renforce sans cesse. Or, barbelés, murs et forces policières n’arrêteront pas ces dizaines voire ces centaines de milliers de pauvres gens qui fuient tortures et viols. Ils préfèrent le risque de mourir à la mort certaine précédée des pires choses.

Nous ne sommes plus maintenant seulement dans la migration économique mais dans la migration «  sauve qui peut », celle où on affronte tous les dangers.

Face à cela, dans un réflexe xénophobe, ceux qui prônent le renforcement des barbelés et l’augmentation des forces de police, omettent les responsabilités des états démocratiques qui n’ont pas su donner une suite ordonnée à la chute de Khadafi et arrêter, tant qu’il était encore temps, la folie meurtrière de Bachar el Assad en Syrie aggravée encore par le champ libre donné ainsi aux terroristes de Daesh.

En outre, il est plus que jamais nécessaire de ne pas oublier que les conventions internationales obligent à accueillir les réfugiés politiques. Or, aujourd’hui, la majorité des migrants sont des réfugiés politiques relevant du droit d’asile.

Leur nombre est maintenant tel qu’il faut organiser cet accueil et en répartir l’effort équitablement dans chaque pays Européen.

Les pays doivent assumer leurs responsabilités en organisant dans la dignité, dès le franchissement des frontières de Schengen, le tri – il n’y a hélas pas d’autre mot – entre les migrants relevant du droit d’asile et ceux originaires de pays assurant à leurs ressortissants liberté et paix. Ces derniers doivent être reconduits chez eux sans faiblesse.

L’initiative d’Angela Merkel et de François Hollande proposant la création de « hotspot », c’est-à-dire de centres d’accueil permettant de séparer ces deux catégories, est une bonne proposition. Encore faut-il la compléter par une répartition concrète la plus équitable possible des réfugiés accueillis dans les différents pays d’Europe.

Cette répartition de la charge ne semble pas cependant facile à mette en œuvre tant certains gouvernements redoutent, en raison de l’arrivée d’étrangers sur leur sol, le développement de phénomènes de rejet débouchant sur des poussées de populisme conduisant aux défaites électorales des partis au pouvoir.

La peur de l’aggravation du chômage, très prégnant  un peu partout en Europe, attise aussi ces réflexes d’enfermement dans des bastions. Pourtant, paradoxalement, les économistes n’ont jamais démontré que l’immigration avait aggravé sensiblement le chômage pour les populations des pays accueillant des migrants. Ce sont les migrants qui, avant de s’intégrer ou de repartir chez eux si leurs pays retrouvent la paix,  ne trouvent pas d’emploi.

Ne taisons pas aussi que de nombreux pays Européens ont une situation démographique marquée par le vieillissement et le non renouvellement des générations. L’immigration, même si cela étonne, s’avère alors une chance pour l’équilibre des caisses de retraite et des services sociaux !

Face à une situation d’exception et hélas durable chacun doit ainsi prendre sa part. C’est, on peut le penser, le défi majeur des années qui viennent. Le relever dans l’ordre et dans une harmonieuse répartition des efforts constitueront le meilleur moyen de contenir, en Europe, les extrémistes de tout bord qui cherchent à se servir de l’immigration pour faire progresser leurs idées nauséabondes de replis et de bunkérisation dans des ilots de prospérité fut-elle relative.

C’est bien d’être ému par les naufragés de Lampedusa, des pauvres bougres de la jungle de Calais et des cohortes de malheureux Syriens violemment repoussés en Macédoine.

Mais un accueil à la hauteur du flux continu de tous ceux qui considèrent l’Europe comme une terre de sécurité et de paix serait, au-delà d’un esprit de solidarité indispensable dans la vie en société, plus efficace.

L’honnêteté conduit à dire avec tristesse que nous sommes encore loin de cet objectif. Il n’est qu’à observer la pusillanimité des partis politiques français pour en être convaincus. Tétanisés par les sondages montrant les réserves pour ne pas dire plus de la population concernant l’afflux et l’accueil des réfugiés sur notre territoire, ils se taisent ou presque. Que la droite soit « aux abris » sur cette question tant Sarkozy est en concurrence avec les positions du FN à propos de l’immigration il n’y a là rien d’étonnant. Par contre, que le PS soit inaudible sur ce sujet et ne mène pas le combat des valeurs est incompréhensible.

Alain Bergounioux, l’historien du PS, a eu raison de rappeler que « si Jaurès avait été là il n’aurait pas accepté qu’une cause humaine comme celle-là ne concerne pas le Parti socialiste ». (Le Monde du 27/08/2015)

Autre problème qui booste l’actualité en ces derniers jours de la période estivale : la situation économique en pleine dégradation en Chine. On était habitué à ce que ce pays affiche des taux de croissance record. Il était généralement considéré comme « l’atelier du monde » au développement sans fin. Les usines des pays occidentaux, en raison d’un coût de main d’œuvre très inférieur en Chine, s’y délocalisaient et l’ensemble de la planète consommait la production chinoise peu chère exportée massivement.

Premier signal : ce processus économique s’est trouvé ralenti en raison de la concurrence de pays comme le Vietnam disposant d’une main d’œuvre encore moins chère qu’en Chine ce d’autant plus que les entreprises chinoises ont consenti quelques augmentations salariales.

Il ne s’est agi là que d’une alerte. La Chine a continué à combiner avec efficacité un système de type communiste sans état d’âme, tout en maintenant une réussite économique remarquable bien que moins performante depuis 2014.

Conscients des difficultés à venir, les dirigeants Chinois ont fait le pari du développement de la consommation interne comme une sorte de « moteur relais » de son économie. Las, la classe moyenne – c’est-à-dire 300 millions de personnes - n’a pas vraiment été au rendez-vous de cette nouvelle stratégie.

Ainsi, pour faire court, disons, comme le souligne Christian Destais, du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPH)               « l’économie chinoise est passée d’une croissance facile, grâce à des investissements massifs et  une industrialisation apparemment sans limites, à une phase où tout devient plus difficile ».

L’effondrement de la Bourse de Shanghai (-8,49 %) vers la fin du mois d’août en  a été l’expression la plus évidente. Dans une planète aussi mondialisée, immédiatement toutes les bourses ont dévissé singulièrement en Europe et aux Etats Unis. Après quelques jours d’hésitation, la finance internationale s’est reprise et, dans l’état actuel des choses, les difficultés chinoises n’ont pas provoqué – mais rien n’est définitif en la matière – une crise financière mondiale durable.

Ceci dit, les problèmes économiques chinois demeurent. Nul doute que la classe dirigeante de ce pays va user de toutes les armes à sa disposition, notamment la dévaluation du Yuan (1), pour redresser la situation. Il y a cependant fort à parier que des turbulences, nées de la bulle immobilière et boursière en Chine, auront des répliques un peu partout dans le monde.

Nos « bons docteurs en économie » minorent les risques encourus et expliquent que le ralentissement de l’achat de matières premières par la Chine va conduire à faire baisser leurs prix en Europe et aux Etats Unis. Ce n’est pas faux. Encore faut-il ajouter qu’une Chine à capacité économique minorée achètera moins de voitures, moins d’avions, etc…

A ce point des choses et afin de ne pas entrer dans une analyse détaillée de la situation forcément rébarbative il convient de mettre en exergue que l’enseignement essentiel de la crise chinoise est qu’elle constitue, une nouvelle fois, la preuve de l’interdépendance des économies.

Le plongeon concomitant ou presque de la Bourse de Shangaï et de l’ensemble des bourses du monde rappelle en effet les liens évidents des économies. Ce constat devrait ainsi faire toucher du doigt, à tous ceux enfermés dans des nationalismes économiques, que l’âge du  « chacun dans son coin » est désormais dépassé.

Certes il faut maintenir et développer les appareils productifs nationaux : c’est une des clés pour l’emploi et pour la compétitivité des entreprises mais cela doit se faire en ne négligeant pas les enjeux dépassant les frontières.

Soyons conscients ainsi que les échanges sont désormais mondialisés et que l’interdépendance des économies est telle que lorsque l’une d’entre elle « s’enrhume », surtout lorsqu’il s’agit de l’économie chinoise - pesant 15 % de l’économie mondiale – il serait irresponsable de ne pas se sentir concerné.

On le voit, au travers des trois sujets choisis pour illustrer la situation de cette fin de vacances, l’actualité n’est pas très sereine.

Nul doute que la reprise va être difficile.

 

Jean Félix Madère

 

(1)  La dévaluation du Yuan a eu, entre autre, pour conséquence la remontée du cours de l’Euro ce qui va rendre plus difficile les exportations et la conquête de nouveaux marchés, en particulier pour les entreprises françaises.

 

Note de lecture le 2 septembre.

 

Prochain blog le 7 septembre

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