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les propos de madère
2 décembre 2015

Les propos de Madère - Notes de lecture décembre 2015

Notes de lecture

Parmi mes lectures de ces dernières semaines je signale quatre livres : A mi-parcours, mémoires d’André Rousselet ; La richesse des Nations après la révolution numérique, essai de Nicolas Colin ; Retiens ma nuit, roman de Denis Tillinac  et Un Français de tant de souches, essai d’Alain Minc.

Quelques commentaires à propos de ces ouvrages choisis pour leur qualité mais aussi pour la diversité de leur intérêt

A mi-parcours, mémoires d’André Rousselet, autobiographie fruit de conversations avec les journalistes Marie Eve Chamard et Philippe Kieffer. Ce pavé de 727 pages  a été publié en septembre 2015 aux éditions Kero. Cette autobiographie vaut certes parce qu’elle raconte la vie d’un homme dont le parcours est jalonné de victoires, de défaites, de courage face à l’adversité et de succès retentissants. Elle est importante surtout parce qu’elle relate une rencontre et une amitié qui ont changé sa vie. Après une jeunesse dans un milieu bourgeois – son père était magistrat – et des études classiques, il débute son activité professionnelle dans la préfectorale. Ses fonctions de sous-préfet à Foix puis en Guadeloupe sont loin de l’enchanter. Puis, fortuitement, en 1954, il est appelé à rejoindre le cabinet du ministre de l’Intérieur de l’époque François Mitterrand. A partir de là tout commence pour lui. Son existence prend une autre dimension.

Le lecteur, quant à lui, revit toute une époque : celle de l’essentiel du parcours de François Mitterrand jusqu’à l’Elysée et, au-delà, jusqu’à son décès le 8 janvier 1996. Entre autres choses, André Rousselet évoque sans fard l’affaire de l’Observatoire. Il en profite pour procéder à une mise au point ne manquant pas d’intérêt sur un sujet qui a tant fait l’objet de controverses.

Il procédera de même lorsqu’il parle des rapports de Mitterrand avec René Bousquet, figure de la collaboration. Au travers des souvenirs évoqués, se dessine le portrait d’un Mitterrand indéfectiblement fidèle en amitié mais personnage complexe et pas toujours facile à vivre et à comprendre tant il a le goût du secret. Ce portrait n’est ainsi pas toujours flatteur malgré l’admiration que porte Rousselet au Président de la République.

Bref, cette autobiographie trouve beaucoup de son intérêt dans le rappel des moments historiques vécus par Rousselet auprès du Président Mitterrand.

Pour ce qui le concerne, à 93 ans, il ne cèle rien de sa vie professionnelle. Ainsi, il parle sans réserve des moyens utilisés à l’époque pour financer, de manière peu orthodoxe, les campagnes électorales et ne cache pas qu’il a rapidement épuisé l’intérêt du poste de directeur de Cabinet du Président de la République. Il marque par contre tout le plaisir qu’il a eu à diriger la société de taxis G7 qui lui assura la fortune. Il insiste, parfois à l’excès, sur cette fortune dont il jouit sans réserve.

Toute l’aventure de la création et de l’expansion de Canal+, qu’il créé et dirige, est contée par le menu. Là encore il ne cache rien des excès – hauts salaires, drogue – qui existaient à Canal. Il ne critique pas, il se souvient.

A de multiples reprises dans ce gros ouvrage, fort bien rédigé, il fait état des querelles et fâcheries qu’il a vécues, en politique, puis aussi dans ses rapports avec les autres chefs d’entreprises et avec ceux qui l’ont accompagné dans son parcours.

Les flèches décochées à Jacques Attali, à Laurent Fabius, à Dauzier - son successeur à la tête de Havas -,  à Silvio Berlusconi, à Edouard Balladur et à tant d’autres laissent à penser qu’André Rousselet n’était pas un homme facile. Il ne s’en cache pas. C’est, sans doute, son mérite.

Ce livre, très long à lire, est intéressant à plus d’un titre. En effet, au-delà du portrait original qu’il dégage de François Mitterrand – c’est le meilleur de l’ouvrage – il dresse un panorama, sans concessions, de l’audiovisuel de l’époque. On y apprend beaucoup de choses sur le fonctionnement des médias, sur les hommes qui les créent, les animent et les dirigent.

Cette biographie devrait séduire tous ceux qui portent intérêt à l’ancien Président de la République, François Mitterrand, mais aussi ceux que captivent les aventures – le mot n’est pas trop fort – d’une homme qui fut souvent un acteur de l’ombre de la vie politique française durant plus de soixante-dix ans et un chef d’entreprise considéré pendant longtemps comme incontournable dans l’audiovisuel français.

La richesse des Nations après la révolution numérique. Etude de Nicolas Colin, publiée par le think tank « Terra Nova » en octobre 2015 (92 pages) dans la collection « Positions ». C’est une collection d’essais dont l’objectif est d’éclairer les enjeux à long terme auxquels les sociétés européennes sont ou seront confrontées.

Tout au long de son travail, Nicolas Colin fait œuvre d’éclaireur. Il part du principe que « demain toute l’économie sera numérique et que cela va bouleverser radicalement les façons de produire et de consommer ». Il observe que « les élites de notre pays peinent à comprendre ce phénomène et ses conséquences ». Ainsi, il expose ensuite les conséquences de cette évolution.  Pour lui, « la transition numérique dépasse le cadre de la production industrielle de masse organisée sur l’ensemble du territoire pour lui substituer une concentration dans les zones urbaines denses. Ainsi la transition numérique de l’économie a pour double effet de transformer  certains de nos territoires en déserts productifs et de confronter les travailleurs à des tensions insupportables sur le marché immobilier des grandes villes ». Il avance  un concept jusqu’ici peu formulé.Il affirme alors « dans l’économie numérique, les individus jouent désormais un rôle actif et central dans la création de la valeur. Connectés en réseau, ils forment une multitude dont la puissance est désormais supérieure à celle des plus grandes organisations. On passe ainsi d’une économie de masse à une économie de multitude.

Il analyse ensuite les conséquences de cette mutation sur les classes moyennes, sur les tensions sociales en découlant et sur la résistance active qui oppose la société française à la transition numérique.

Il conclue en soulignant « qu’il ne reste plus beaucoup de temps pour nous réarmer d’une politique économique adaptée à la transition numérique ».

Les solutions qu’il avance sont alors souvent dérangeantes.

Ceux qui s’interrogent sur tout ce qui touche au numérique liront avec intérêt cette étude souvent complexe mais, si on s’accroche un peu, très « informative » sur un sujet difficile.

Nicolas Colin est inspecteur des Finances, diplômé de sciences politiques et de l’ENA. Il a fondé plusieurs sociétés liées à l’information et au numérique.

Retiens ma nuit de Denis Tillinac, roman publié en septembre 2015 aux éditions Plon (169 pages). Cette histoire raconte, dans un style surprenant – phrases courtes, vocabulaire classique mais parfois recherché  – les amours tardives d’un médecin de campagne et d’une galeriste d’art. Les deux personnages ont passé la soixantaine et sont mariés, lui avec une femme discrète mais élégante et fidèle ; elle avec un entrepreneur riche, dynamique, toujours à la recherche d’améliorer sa fortune en diversifiant ses activités. Hyper actif il ne s’occupe guère de son épouse mais prend le temps de la tromper au hasard de ses déplacements ou dans son environnement proche.

Cet ouvrage explique les circonstances dans lesquelles naît entre ces deux sexagénaires un  amour qui, au fil des pages, se renforce et devient l’essentiel de leur vie. Ils se voient dans la clandestinité et, pour se rencontrer, se livrent, à l’égard de leurs conjoints, à des ruses dignes d’adolescents.

Cette liaison provoque chez eux les emballements de la jalousie auxquels se mêle un fond de tristesse provenant sans doute du fait qu’ils se sont rencontrés trop tard.

D’où une certaine nostalgie qui est la marque dominante de cette histoire.

Denis Tillinac a réussi là un très bon roman. On n’en donnera pas ici l’issue. A chacun de la découvrir.

Tillinac, auteur de plus de quarante livres, dont certains ont connu un franc succès : Je nous revois (Gallimard), Dictionnaire amoureux de la France et la Nuit étoilée (Plon) est aussi connu pour son amitié et sa proximité avec Jacques Chirac. Depuis le retrait de la vie publique de l’ancien Président de la République, Denis Tillinac s’est éloigné des idées qu’ils partageaient pour désormais graviter dans une droite moins modérée que celle de leurs racines corréziennes. Dommage ! Sans doute mais cela ne retire rien à ses talents d’écrivain. Là est le principal.

 

Un Français de tant de souches, essai d’Alain Minc, publié aux éditions Grasset en septembre 2015 (201 pages).

Au travers de réflexions sur son parcours, Alain Minc traite pour l’essentiel de l’identité française. Il rappelle d’emblée ses parents d’origine Bielo Russe, résistants communistes dans la branche MOI, c’est-à-dire main d’œuvre immigrée. Beaucoup d’entre eux, comme  l’auteur, étaient d’origine juive.

Il pose ainsi sa problématique d’enfant d’immigrés. Il peut alors tenter, au travers de son exemple, de définir les difficultés qu’il y a aujourd’hui pour devenir mais aussi se sentir Français. Il met en lumière l’évolution constante au fil du temps de ce processus. Il démontre ainsi, citant son cas en exemple, qu’il était autrefois possible de s’assimiler, de faire de très brillantes études, alors qu’aujourd’hui s’intégrer est un objectif difficile à atteindre.

Cet ouvrage est peuplé de nombreuses digressions sur la mondialisation. Il y rappelle aussi sa déception concernant le livre de Fernand Braudel traitant de « l’identité de la France ». La description de son attachement « par-dessus tout » à l’Europe est sans doute le meilleur de son ouvrage. On sent la conviction profonde de Minc à ce sujet. Ces pages, à elles seules, méritent la lecture de cet ouvrage.

Il a voulu, dit-il, par ce livre « participer  au débat fiévreux sur l’identité de la France et présenter « sa carte d’identité » millefeuille dont les couches correspondent à son itinéraire personnel, social, professionnel, intellectuel, idéologique ».

Comme toujours, Alain Minc n’est pas dépourvu d’ambitions. Pour l’essentiel il parvient à atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.

Alain Minc, au-delà d’être un essayiste prolifique – il publie un ouvrage tous les deux ans parfois tous les ans – est aussi connu pour être un homme d’influence. Patron d’une société de Conseils, il fait partie de ces visiteurs du soir qui « murmurent » à l’oreille des Présidents. Il fut très proche de Nicolas Sarkozy dont il s’est éloigné maintenant pour gagner le cercle de proximité d’Alain Juppé. On ne peut ici citer tous ses livres. Rappelons cependant qu’il a été connu dès 1978 grâce à son ouvrage sur « L’informatisation de la société » co-écrit avec Simon Nora. Ces deux derniers livres sont : Vive l’Allemagne (2013) et Le mal Français n’est plus ce qu’il était (2014).

Bonne éventuelle lecture.

Jean Félix Madère

Prochain blog au lendemain du premier tour des élections régionales.

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