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les propos de madère
4 septembre 2015

Les propos de Madère - La Présidentielle vampirise la vie politique

La Présidentielle vampirise la vie politique

 

La classe politique française donne, depuis plusieurs mois déjà, un spectacle qui ne laisse pas d’être inquiétant. Divisions, dissensions doctrinales exacerbées, chamailleries, insultes et attitudes méprisantes sont désormais le lot quotidien tant au sein de chaque parti que des uns à l’égard des autres.

Certes, le combat politique n’a jamais été tendre. Il suffit de se souvenir des affrontements terribles qui ont marqué la IIIème République – pensons à l’affaire Dreyfus – et la IVème -  rappelons-nous les débats sanglants à propos de la guerre d’Algérie – pour vérifier qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil !

Plus près de nous, les mandats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ont aussi été agités et les attaques personnelles à leur endroit furent légion. Personne n’est sorti grandi de ces périodes.

Maintenant, sans doute en raison d’un contexte économique morose, d’une pression migratoire jamais connue avec une telle intensité, les occasions de stigmatisation se multiplient.  La proximité des élections régionales, mais surtout la Présidentielle qui approche, font que le ton est monté de plusieurs octaves.

François Hollande, en sa qualité de Président de la République, est la cible principale du torrent de quolibets, d’accusations d’incompétence et de critiques violentes sur ses choix économiques et plus généralement à l’égard de l’ensemble de la politique qu’il conduit dans son rôle de chef de l’Etat.

Reconnaissons que, dès sa prise de pouvoir, il a eu tort de ne pas expliquer clairement aux Français la situation dont il héritait. Il aurait dû alors exposer et mettre en œuvre immédiatement un dispositif de redressement – fût-il drastique – que les citoyens auraient très certainement compris.

Sans ce préalable, il a commis l’erreur de s’engager dans une politique fiscale  légitimement contestable. De même, plus tard, a-t-il fait preuve d’un excès de confiance en promettant l’inversion de la courbe du chômage. Personne ne peut nier cela.

Par contre, même si doctrinalement elle est discutable pour une partie des socialistes, la politique social-démocrate qu’il met en œuvre avec le gouvernement de Manuel Valls constitue une orientation, un choix politique respectable.

Le contexte économique est tel que les résultats sont longs à venir. Cela justifie bien des impatiences qui peuvent et doivent être exprimées. D’aucun, à raison, ne se privent pas de  moquer une « fiscalité accordéon » traitée par morceaux – on augmente puis on baisse les impôts – alors qu’une réforme fiscale globale serait souhaitable.

De même, sa volonté  d’ancrer la France dans l’Europe, insuffisante aux yeux de quelques-uns, excessive pour d’autres, est vivement critiquée par la frange des souverainistes de tout poil ne rêvant que de sortir de l’euro et de l’Europe.  A l’inverse, on lui reproche de ne pas en faire assez et on ironise sur la place insuffisante qu’on lui prête au sein de l’Union Européenne.

On peut penser ce qu’on veut de ces tendances – plus d’Europe moins d’Europe – on peut notamment regretter le choix du repliement voulu par les souverainistes, mais il s’agit là d’orientations qui perdurent depuis longtemps. Elles font partie, après tout, d’un combat qui anime et structure la vie politique française.

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que le Président de la République soit l’objet d’attaques dans ce domaine. Il lui appartient, ainsi qu’à ceux qui croient en l’Europe, de défendre leurs convictions. Il en va de même sur le terrain économique.

Par contre, le rendre responsable de tous les problèmes de la France, fussent-ils hors du champ politique : il pleut, c’est la faute à Hollande, les accidents de voiture augmentent c’est aussi de sa faute, tout comme on va bientôt lui reprocher les retards des trains :  on est alors dans la caricature. De même, multiplier les attaques « intuitae personae », ne cesser de répéter qu’il est nul, qu’il est détesté par 80 % des Français, relève de l’intox indigne d’une véritable démocratie.

Que l’on critique ses choix politiques, c’est naturel. Mais verser dans le mépris à l’égard de la personne n’est pas acceptable.

Redisons-le, il n’est pas exempt de se tromper et les citoyens, sanctionnant ou approuvant, voteront comme ils voudront au terme de son mandat.

Or, dans cette attente,  et c’est la conséquence du système Présidentiel – on dépasse là le cas de François Hollande – le chef de l’Etat, monarque républicain, demeure considéré à l’excès comme le responsable de tout. Ovationné, porté en triomphe lors de son élection, très vite, quel qu’il soit, il déçoit, tant l’économie et le chômage échappent largement à sa capacité de décision.

En outre et pour peu qu’il commette – et qui n’en commet pas – quelques erreurs ou que, pour une raison ou une autre, son attitude personnelle déplaise, alors, il est très rapidement voué aux gémonies. Ici, l’honnêteté conduit à dire que Nicolas Sarkozy, personnage très extraverti, a connu, sans doute plus que François Hollande maintenant, cette sorte de descente aux enfers engendrée par l’exercice d’un pouvoir institutionnellement personnel.

Ce rappel relativise les sondages publiés aujourd’hui à propos des cotes de popularité de celui qui est en charge de l’Etat…

Mais, ne l’oublions pas, ce pouvoir si critiqué fait l’objet de toutes les convoitises. Cela explique qu’une élection présidentielle à peine achevée on entre immédiatement en campagne pour la suivante. Pis, lorsque l’échéance se rapproche, tous les partis, au-delà des candidats à la magistrature suprême, ne pensent plus qu’à ça.

Les conséquences sont lourdes. D’abord, au sein des partis, des « écuries » se constituent et l’unité des formations politiques se fragmente. Il n’est qu’à voir l’état réel de la droite aujourd’hui. Dans la perspective de la primaire de novembre 2016 chacun joue son jeu, se positionne et tente, par tous les moyens, de se différencier des autres concurrents. Ainsi, avant même la primaire à droite qui n’aura lieu que dans plus d’un an, les principaux candidats publient des livres, tiennent des conférences de presse, interviennent à la radio et à la télévision, parcourent la France de mini réunions en meetings plus importants.

Leur but principal, en s’emparant des sujets d’actualité, du plus petit au plus important, est d’apparaître comme les plus réceptifs, les plus en phase avec l’opinion. Il est aussi de bon ton d’égratigner sans cesse le chef de l’Etat ou le gouvernement. Certains en arrivent à prendre des positions excessives, très proches des thèses extrémistes, pour mieux capter, croient-ils, l’opinion dominante du moment.

Tous ou presque y perdent leur âme. Ainsi, bien qu’elle le dénie, la droite n’a pas de programme mais des positions individuelles et personnelles. En effet, qu’y a-t-il de commun entre beaucoup des thèses parcellaires d’Alain Juppé, de Sarkozy, de Bruno Le Maire, etc… ? Rien ou presque. L’un se veut modéré, l’autre cherche dans le maximalisme à récupérer l’électorat du Front national et, le troisième, en affirmant son profil de « gendre idéal », se veut le « moderne » de la bande. De fait, les « Républicains », ce néo parti, est balkanisé. Son unité est un slogan. Telles sont pour cette famille politique – et cela va empirer – les premières conséquences de la course à la Présidentielle.

Cependant, ne nous y trompons pas, toutes ces personnalités – Juppé  y compris n’en déplaise à ceux qui ont la mémoire courte – conservent tout de même un point commun : ils sont de droite avec tout ce que cela comporte de choix lourds pour la société. Cela se verra après la Présidentielle de 2017… si l’un d’entre eux est élu.

Les Verts ont  longtemps été rétifs aux élections présidentielles. Ils y ont concouru, depuis 1974, mais plus pour témoigner qu’autre chose. Leurs résultats n’ont jamais été brillants. Cette fois, il n’est un secret pour personne que Cécile Duflot se prépare à être candidate. Cette candidature divise son parti. Beaucoup considèrent en effet que la présence de l’ancienne ministre écologiste, même si, comme il est prévisible, son score sera minime, risque d’écarter  la gauche du deuxième tour de la Présidentielle. Ainsi, quelques responsables  de ce parti l’ont quitté en excipant par ailleurs de leur rejet de l’alliance Verts-Front de gauche aux Régionales lui préférant des listes avec le parti socialiste. De fait, c’est la Présidentielle, en toile de fond, qui mine EELV et risque d’être à l’origine, tôt au tard, de l’implosion de ce parti. Cela serait alors encore un dommage collatéral de l’élection Présidentielle au suffrage universel.

Au sein du Front de gauche qui, en principe, unit les partisans de Mélenchon et du Parti communiste, la situation unitaire n’est pas plus brillante.

Mélenchon veut être candidat et compte sur ses indéniables talents de tribun populiste pour s’imposer face à Pierre Laurent, Secrétaire général du P.C., beaucoup moins clinquant. Ils sont surtout divisés parce que le premier, en étant candidat, veut « la peau » du Parti socialiste alors que l’autre n’ignore pas que, la plupart du temps, le P.C. ne peut avoir des élus qu’en s’alliant aux Socialistes. Cruel dilemme pour les Communistes si critiques à l’égard de la politique gouvernementale et de l’Europe.

Au vrai, encore une fois, ce sont les élections Présidentielles et les choix qu’elles vont imposer qui entretiennent, enveniment et vont sans doute séparer les deux composantes de cet attelage dont il faut bien dire qu’il n’est, depuis le départ, pas très crédible.

Quant au Parti socialiste, en première analyse on constate qu’il est traversé par des opinions divergentes singulièrement dans le domaine de l’économie. Ceux qu’on appelle les Frondeurs, qui en vérité ont la Présidentielle en ligne de mire,  continuent à réclamer une meilleure répartition des financements de l’Etat entre les mesures en direction des Entreprises et celles destinées aux salariés. S’est installée, de la sorte, une ligne de fracture qui pourrait s’aggraver à l’occasion du vote du Budget 2016. On en est au point – toujours en perspective de 2017 – que certains considèrent qu’une nouvelle candidature de François Hollande conduirait le Parti socialiste à l’échec. Mais, les mêmes, ne veulent pas de Manuel Valls, classé comme  social libéral …

Progressivement réapparaissent, çà et là, trois tendances. Ceux qui assument les accommodements nécessaires à l’exercice du pouvoir ; ceux pour qui le pouvoir ne peut être valablement exercé par la Gauche sans privilégier les réformes emblématiques en direction des plus faibles – ils font alors litière de la situation économique aujourd’hui très différente de celle le 1981 – et, comme toujours, une minorité considérant qu’il n’est  pas indispensable que les socialistes gouvernent. Ils se rangent ainsi dans le camp protestataire qui existe depuis l’origine au sein  du mouvement socialiste. Pour eux, Guesde n’est pas mort.

Il y a en outre, ici et là, des individualités qui ne seraient pas fâchées que François Hollande soit sorti du jeu. Ils espèrent, à terme, pouvoir de la sorte jouer leur carte personnelle.

Ainsi, à gauche, il va bien falloir, à un moment ou à un autre, que les forces de progrès fassent leur examen de conscience. Elles devront s’interroger pour savoir si les partis qui la composent sont capables de surmonter les petits calculs personnels, les egos des uns et des autres voire les déceptions  relatives aux choix économiques ou autres du Président et de son gouvernement.

Dans l’état actuel on est loin du compte.

Pourtant, nul n’ignore que le Front national, malgré les querelles familiales qui devraient le disqualifier et qui montrent ses limites réelles quant à ses capacités d’exercer le pouvoir, profite  néanmoins du contexte qui lui est favorable.

Il surfe sur des problématiques populistes telles le chômage, l’immigration, l’insécurité et capte le désespoir de tous ceux qui considèrent l’euro et l’Europe comme étant à l’origine de tous leurs maux.

On en est arrivé à prendre pour acquis que les autres partis concourront pour la deuxième place au premier tour de la Présidentielle tant il semble assuré que la candidate du FN sortira en tête de cette première étape de l’élection.

Las, Duflot considère que sa candidature est indispensable à la France (!) ; Mélenchon veut le scalp de François Hollande et, cela lui servant de programme, vitupère « menteur, menteur » ; quant au PS, si François Hollande ne renonce pas à être candidat, il paraît disposé à se ranger sans enthousiasme derrière lui. On dirait presque que certains à gauche se résignent, nolens-volens, à l’échec !

Le moins qu’on puisse dire est que tout cela n’augure rien de bon.

Il est bientôt minuit et, à gauche, il va falloir dire clairement si l’on préfère une politique de droite ou une politique de gauche, même si elle est imparfaite.

Finalement, à la lumière de ces quelques réflexions, on mesure combien la Présidentielle perturbe l’ensemble de la classe politique.

Tous les partis sont divisés, taraudés par les ambitions individuelles et finalement aucun n’est intact, exempt de tohu bohu. Ils sont tous, si on utilise une expression triviale « cul par-dessus tête ». Ce désordre est un inconvénient grave mais il rend caduc tous les pronostics actuels, tous les sondages ridicules annonçant défaite ou victoire.

Il reste encore dix-huit mois pour retisser les liens, faire comprendre que la présence au second tour est loin d’être jouée si on se présente, à droite comme à gauche, en ordre dispersé.

Hélas, l’attrait de la Présidentielle a rendu folle une large partie de la classe politique. Tout se décide, s’oriente en fonction de cette échéance. Le jeu est faussé au-delà du permis. Pourtant, curieusement les Français, n’ignorant pas cela, sont attachés à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Personne, malgré tous les errements et conséquences de ce système électoral, ne le mettra plus en cause. C’est dommage mais  c‘est ainsi.

Les citoyens veulent pouvoir choisir eux-mêmes, adorer  le candidat puis détester bien vite l’élu. Ils identifient ainsi le héros puis le coupable !

Les réalistes disent qu’il faut faire avec ce système et que de Gaulle avait compris que les Français, après avoir guillotiné Louis XVI, étaient en mal de Monarque, fut-il Républicain ! Les sages savent qu’il y a, dans une large mesure, tromperie quant aux conséquences de ce type d’élection. En effet, celui qui est choisi, même s’il n’est pas dépourvu de pouvoirs, doit compter avec l’Europe et beaucoup de choses qui lui échappent dans une économie mondialisée. Le peuple ne veut pas voir cet aspect des choses.

Par contre, les candidats savent cela. Cependant, l’un veut se maintenir et manœuvre déjà pour renouer les fils distendus de sa majorité, l’autre veut sa revanche, quitte à épouser une large partie des orientations du Front national et toute une cohorte d’autres espèrent, au prix de tous les sacrifices plus ou moins moraux, accéder à cette sorte de nirvana que représente pour eux l’Elysée.

La perspective de la Présidentielle occulte ainsi tout ou presque. Soyons conscients qu’elle va, maintenant, vampiriser pendant dix-huit mois l’essentiel de la vie politique française.

Il n’est sans doute pas exagéré de le regretter.

 

Jean Félix Madère

 

 

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