Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
les propos de madère
10 janvier 2015

les propos de Madère

Méfiance ?

 

Dans les prochains jours l’Europe va avoir les yeux fixés sur la Grèce.

En effet, des élections législatives anticipées vont être organisées dans ce pays le 25 janvier prochain. Elles vont être importantes à plus d’un titre. Elles vont se dérouler dans un pays frappé par une austérité maximale et qui ne parvient pas, malgré l’aide massive de l’Europe et de toutes les institutions financières internationales, à se relever.

La situation de ce petit pays de onze millions trois cents mille habitants est catastrophique. Elle peut être résumée sommairement par quelques chiffres. Sa dette est de 175 % du PIB ; le taux de chômage y est de 27 % de la population dont plus de 50% chez les jeunes ; la baisse des salaires et des retraites a été, selon les secteurs, de 30 à 50 % ; la dette  pour l’ensemble des citoyens envers le fisc est de 75 milliards d’euros, etc.

C’est dans ce contexte que les élections vont avoir lieu. Elles  vont concerner, au-delà de la Grèce, l’Europe tout entière car risque de se produire dans ce pays une sorte de séisme politique. Il pourrait, si c’était le cas, inspirer d’autres pays Européens frappés aussi par l’austérité.

Tous les récents sondages réalisés sur les résultats possibles de ces élections du 25 janvier montrent qu’un parti, classé à la gauche extrême, s’avère le favori de cette consultation. Ce parti, peu connu jusqu’ici en dehors de la Grèce, s’appelle le « Syriza ». C’est l’acronyme de coalition de gauche radicale. Il est dirigé par Alexis Tsipras, considéré, sans doute à tort, comme un Mélenchon Grec – avec tout ce que cela comporte d’excès dans l’inconscient collectif, singulièrement en France -  et son éventuelle accession au pouvoir inquiète l’Europe et particulièrement l’Allemagne.

Par ailleurs, des scenarii catastrophiques sont développés en Grèce par le parti de droite actuellement au pouvoir. On parle ainsi d’une très possible sortie de la Grèce de la monnaie unique sous le vocable abscon de « Grexit ».

Ces jours ci, « Der Spiegel », journal allemand, affirme, sans être démenti, qu’Angela Merkel est prête à laisser la Grèce sortir de la zone Euro. Ce serait un tsunami. Déjà, le 23 août 2012, François Hollande avait convaincu, in extremis, la chancelière Allemande de renoncer à pousser les Grecs hors de l’Europe. Pourtant tout avait été prévu dans ce sens par Wolfgang Schauble, ministre des Finances à Berlin et Mario Draghi, Président de la BCE (Banque Centrale Européenne). On peut donc craindre qu’à un moment ou à un autre Angela Merkel récidive.

Alexis Tsipras, sentant le danger, essaye de calmer le jeu en déclarant que, s’il arrive au pouvoir, il n’a aucune volonté de sortie de l’Euro et qu’il se bornera à réclamer des remises conséquentes et l’étalement de la dette grecque.

Cependant, pour assurer sa victoire, il promet dans sa campagne électorale une série de mesures sans doute souhaitables mais fort onéreuses. Ainsi, il annonce notamment : le rétablissement du Smic, la création de 300.000 emplois, l’élargissement de l’assurance chômage, la gratuité des services de base au-dessous du seuil de pauvreté, etc… L’ensemble de ce dispositif est estimé à 11 milliards d’euros. Or, avec une dette de 175 % du PIB, les pistes données pour expliquer le financement de ce programme apparaissent aléatoires.

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant, malgré l’attachement de 70 à 75 % des Grecs à l’Union Européenne et l’engagement de Tsipras de rester dans l’Europe, qu’on recommence à parler de possible défaut de la Grèce. Or, sur 321 milliards de dette grecque, 231 milliards sont détenus par les Etats de la zone Euro. Ainsi, ce défaut ne serait pas sans conséquences et sans impact sur de nombreux pays européens. Les économistes évaluent les pertes éventuelles de l’Allemagne à 80 milliards, celles de la France à 50 milliards, de l’Italie à 44 milliards, etc…

Tout le monde a donc intérêt à éviter ce crash. Il est clair ainsi que l’Allemagne fait de la politique en agitant le spectre du « Grexit » en cas de victoire de la gauche radicale. Ceci observé, on ne peut que considérer, comme l’a fait François Hollande, qu’il appartient aux Grecs et à eux seuls de choisir librement leurs représentants sans pressions extérieures.

Au vrai, l’attitude la Chancelière Allemande n’est pas acceptable.

La seule chose que l’on peut exiger de la Grèce est de payer ses dettes même s’il faut  rallonger la durée des prêts ou  négocier des arrangements financiers permettant d’éviter des catastrophes.

Cette élection, susceptible de remettre en cause la composition de l’Europe, même si cela est contesté par la Commission de Bruxelles qui affirme que « l’appartenance à l’Union Européenne est irrévocable », est observée aussi avec attention dans de nombreux pays pour d’autres raisons que l’éventualité d’une sortie de l’Euro.

Beaucoup voit dans l’accession de Syriza au pouvoir une sorte d’espérance d’une autre politique possible que l’austérité qui frappe fortement certains pays ou la possibilité d’une modération des mesures de redressement jusqu’ici drastiques mises en œuvre en France par exemple.

Il en va de même en Espagne, où la situation économique, sans être aussi grave qu’en Grèce, est cependant préoccupante. L’émergence d’un parti très voisin de Syriza – Podemos (nous pouvons) – conduit à des programmes similaires et à des espérances comparables. Notons toutefois que Podemos est plus eurosceptique que son homologue grec.

A ce point des choses, il est essentiel ici de souligner que Syriza est certes un parti de gauche à tendance maximaliste, mais qu’il n’est ni anti-euro, ni désireux de quitter l’Europe. Il est ainsi – même s’il siège à Bruxelles sur les mêmes bancs – très éloigné des thèses de Mélenchon violemment anti-européen. En outre, à la différence du trublion  Français, tant Alexis Tsipras pour Syriza que Pablo Iglesias pour Podemos ne paraissent fermés à des évolutions programmatiques plus raisonnables. Cela renforce encore l’intérêt pour beaucoup de pays Européens de les voir accéder au pouvoir fut-ce dans des coalitions indispensables à l’acquisition de majorité.

Dans la mesure où est affirmé l’attachement à l’Europe et où certains excès programmatiques seraient gommés face à la réalité de l’exercice du pouvoir, certains observateurs commencent à s’intéresser de très près au devenir de Syriza. Ils y voient une alternative acceptable aux excès d’austérité et à la désastreuse marche forcée et trop rapide de la réduction des déficits. Ils en espèrent une voie vers un rebond de la croissance et vers moins de chômage.

Il convient ici, parce que la situation de la Grèce est très différente de celle de beaucoup de pays Européens mais aussi parce qu’il faut toujours être prudent à l’égard des solutions de rupture, d’attendre et de voir avant de penser que l’exemple de Syriza peut être un levier de changement des politiques Européennes.

Cette mise en garde exprimée, il n’est sans doute pas excessif d’affirmer que l’arrivée au pouvoir en Grèce de Syriza et peut-être ultérieurement celle moins probable de Podemos en Espagne, méritent d’être observées dans leurs conséquences.

Ainsi, méfions-nous que ces partis, vus par certains comme des éléments de régénération de la gauche traditionnelle, n’aient pas comme objectif premier de supplanter le Pasok en Grèce (mouvement socialiste panhellénique) et le PSOE en Espagne (parti socialiste ouvrier Espagnol).

En France, le parti de Gauche, loin d’être en situation comparable, n’en vise pas moins à affaiblir le  parti Socialiste y compris en bousculant les alliances électorales avec les Verts et le parti Communiste.

On le voit, « l’exemple » Grec est à regarder avec circonspection.

 

Jean Felix Madère

 

Le 10 janvier 2015[1]



[1]

Publicité
Publicité
Commentaires
les propos de madère
Publicité
Archives
Publicité