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les propos de madère
8 février 2015

Les propos de Madère

Réflexions sur une élection serrée

 

Les résultats de l’élection législative dans la 4ème circonscription du Doubs viennent de tomber.

Le candidat socialiste a été élu en dépit d’une poussée, non négligeable, du Front national et d’une abstention demeurant forte malgré une participation au vote meilleure qu’au premier tour mais supérieure à celle du précédent scrutin de 2012. Prenons cette victoire avec satisfaction mais aussi avec modération. En effet, ce résultat ne lève pas les inquiétudes qu’on peut avoir sur la relation des Français avec la politique.

Ainsi, il faut être conscient que les prochaines échéances électorales, d’abord départementales ensuite régionales, ne seront pas faciles pour la gauche même si elle peut espérer sauvegarder bon nombre de ses positions.

 Le score du Front national et le maintien d’une abstention très élevée sont donc les traits dominants de cette consultation électorale. Il faut ici regretter et dire que l’UMP, en prônant son fameux « ni-ni » ait fait globalement le jeu du FN. De même, on ne peut que stigmatiser le comportement de plusieurs de ses dirigeants ayant appelé carrément à l’abstention.

Au moment où l’abstention est devenue un fléau dans l’exercice normal de notre démocratie, il est catastrophique de devoir constater que des responsables de partis de gouvernement encouragent, par leurs appels indignes, à la non-participation au vote. Ils ont décrédibilisé ainsi encore un peu plus la classe politique déjà si critiquée.

En ne voulant pas prendre leurs responsabilités et indiquer leur choix de manière positive, ils ont emprunté le chemin de la lâcheté.

Ces incitations démobilisatrices de certains leaders de la droite sont venues s’ajouter à un courant allant se développant de refus de participation aux consultations électorales et de « soutien-adhésion » aux thèses du Front national. Saluons toutefois le courage républicain des hommes de droite qui ont indiqué que s’ils étaient dans la circonscription ils voteraient pour le candidat socialiste.

On est maintenant au-delà, du moins pour certains, de ce qu’on appelait autrefois, trivialement, « le vote avec les pieds ».

Pour beaucoup, déçus, repliés sur eux-mêmes, frappés par le chômage, ils ont peur de l’avenir et de tout ce qu’ils considèrent comme une menace : l’Europe, l’étranger, etc…  Ils sont dans la désespérance. Ils le manifestent, pour certains, en soutenant ceux qui leur promettent protection, fermeture des frontières, barrières à l’immigration et, pour faire court, le maintien ou le retour à « La France d’avant » ; pour d’autres, en restant chez eux et en refusant ainsi de participer, par leur vote, à un système en lequel ils ne croient plus.

Autrefois, ces attitudes étaient limitées à quelques endroits du territoire. Désormais on retrouve ces comportements un peu partout dans le pays.

Tous ces hommes et ces femmes agissant ainsi ne sont pas des marginaux populistes, même s’il existe depuis toujours un noyau d’extrémistes fascisant qui eux sont à la manœuvre. Pour la plupart, ceux qui s’abstiennent ou  votent FN, sont en souffrance. S’étonner de leur comportement ou les montrer du doigt serait une erreur. Sans être complaisant, on peut dire qu’ils cherchent, le plus souvent, une voie, une solution à leur mal être. Ils veulent essayer « ceux qui n’ont jamais assumé les charges du pouvoir ». Tout cela est regrettable mais gardons-nous des anathèmes.

Il faut, à ce point des choses, ne pas ignorer qu’une césure est en train de s’opérer entre les différentes parties du territoire qui constituent la nation. La situation des grandes agglomérations est très différente, notamment dans l’accès à l’emploi,  de celle des zones intermédiaires. Les problèmes vont bien au-delà de ce qu’on appelle les quartiers qui font le plus souvent l’actualité. Ils touchent désormais les endroits – comme les espaces ruraux – jusqu’ici épargnés par le chômage de haut niveau et les problèmes attribués souvent à tort à l’immigration. L’élection dans le Doubs confirme cette évolution en donnant souvent la majorité au Front national dans les petits villages de cette circonscription.

 Pour lutter contre le sentiment de délaissement, il est temps – plus que temps même – de cesser d’affaiblir ce qui rassemble : l’école,  la poste et les services publics en général. Il est primordial de ne pas bousculer, par des réformes hâtives, les structures administratives et politiques du pays qui ont assuré jusqu’ici la proximité essentielle au vivre ensemble.

Etablissons le bilan des attentes de ces populations en demande. Tenons en compte. Apportons les réponses. Tout cela est la tâche certes du gouvernement, des responsables politiques à tous les niveaux, singulièrement des maires, maillons essentiels de connaissance des plus faibles et de relais pour dégager, autant qu’il est possible, des solutions.

Cela incombe aussi aux corps intermédiaires, notamment le syndicalisme, au monde associatif, formidable tissu de maintien du lien entre les personnes.

Cela, enfin, revient aussi à chaque citoyen qui en s’engageant dans la vie collective, là où sa sensibilité le porte, peut contribuer à éviter l’isolement de l’autre.

Cesser de tourner le dos à celui qui est différent par sa culture ou sa religion est aussi plus que jamais nécessaire si l’on veut éviter la création de ghettos communautaires. Parler, simplement échanger, dans son quartier, dans sa ville ou son village va aussi dans ce sens.

Nous savons bien que cette quête de proximité, de rétablissement du relationnel, de sauvegarde des structures publiques ne suffiront pas. Demeurent les problèmes lourds du chômage, souvent racines du mal Français,  et le poids des conséquences du rétablissement des grands équilibres financiers. Poursuivre la lutte pour retrouver la croissance, remède majeur pour faire diminuer le chômage, est plus que jamais une nécessité qui doit cesser d’être un instrument de polémique entre la droite et la gauche. Sauvegarder nos systèmes sociaux qui jusqu’ici ont permis la protection des plus pauvres est un autre impératif dont il ne faut pas dévier malgré les objurgations du patronat toujours en quête de remises en cause des dispositifs favorables aux chômeurs et précaires.

Telles sont, au soir de cette élection, quelques pistes – on pourrait en citer bien d’autres – susceptibles de rétablir la confiance de ceux qui désespèrent de l’insuffisance des résultats de l’action gouvernementale, de la politique  et plus largement de la solidarité au sein de la nation.

Ne laissons pas le terrain au Front national et évitons de lui donner la possibilité de se poser en défenseur des plus faibles. Ne lui abandonnons pas ce qui depuis toujours ont été des valeurs de gauche : le service public, la laïcité, l’école républicaine, etc… Démystifions les vertus imaginaires du repli sur soi. Dénonçons son programme économique fou visant à sortir de l’Euro, à sortir de l’Europe et à se cloîtrer dans une France rabougrie. Affirmons, démontrons que l’ouverture, l’Europe, une Europe infléchie vers plus de social, doit être une chance et non une régression.

Bref, engageons le combat sur nos idées et ne considérons pas comme acquis que la montée du FN est inexorable. Elle ne le sera que si nous baissons les bras.

L’élection dans la 4ème circonscription du Doubs, parce que cet endroit a connu le déclin industriel et est soumis aux aléas des difficultés cycliques de la production automobile des usines Peugeot et de leurs sous-traitants, constitue un exemple d’un morceau de France frappé de la plupart des maux que nous venons d’évoquer. Les habitants et électeurs de cette circonscription se sont beaucoup abstenus et ont donné leurs voix à ceux qu’ils considèrent comme une chance pour eux.

Ils viennent de faire la démonstration concrète que le mal est profond en contraignant le candidat du Parti socialiste à un deuxième tour très serré  sur un territoire devenu emblématique en raison de la médiatisation de cette élection.  

Certains observateurs pensent même que, dans l’hypothèse où le chômage serait réduit, cela n’amènerait pas forcément à un changement de l’attitude des Français tant désormais une partie de la société est fatiguée de souffrir. Le doute, le mal être et les peurs, disons-le, de se voir obliger de partager le territoire avec des gens différents sont vifs et enracinés.

Ces constats ne sont sans doute pas faux, même s’ils sont parfois exagérés. Ils postulent d’autant plus la reconstruction – le mot n’est pas trop fort – du vivre ensemble comme nous l’avons suggéré, de façon résumée, dans notre réflexion d’aujourd’hui.

A n’en pas douter, répétons-le, le comportement des électeurs de la 4ème circonscription du Doubs n’est pas une exception. On va le retrouver, peu ou prou, lors des prochaines élections départementales.

Le temps va s’en doute manquer pour répondre à toutes les questions de ces hommes et de ces femmes se réfugiant dans l’abstention ou le vote protestataire.

Par contre, il n’est certainement pas trop tard pour aller vers eux à l’occasion de la campagne électorale, leur parler, échanger et les inciter à participer à nouveau à la vie collective en allant voter.

 

Jean Félix Madère

Le 8 février 2015

 

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