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les propos de madère
21 juin 2015

Les propos de Madère - Confusion

Confusion

 

A un moment où la politique menée depuis trois ans semble vouloir porter ses fruits dans une reprise économique indéniable – hormis pour l’emploi – il peut paraître de mauvais aloi de pointer des signaux négatifs. Pourtant le souci d’honnêteté y conduit.

Ainsi n’est-il pas inutile de tenter de démontrer que, tant au plan national mais aussi, concédons-le pour des raisons différentes, au plan international, la confusion règne.

En France, les projets et pratiques du gouvernement n’apparaissent pas d’une clarté évidente. Un mot semble ambigu : réforme.

Que recouvre-t-il exactement ? Jusqu’où va-t-on aller pour réformer le pays ? En vérité, il est assez difficile de le discerner tant les pistes  se multiplient. Dans maints domaines des déclarations de type « ballon d’essai » sont faites chaque jour ou presque. La nécessité de la réforme du code du travail est l’archétype de ce genre de sujet qui occupe les titres des journaux sans qu’on sache exactement jusqu’où veut aller le gouvernement à ce propos.  Des positions divergentes sont exprimées par plusieurs ministres. L’un soutient mordicus qu’il faut avancer vite sur ce sujet, l’autre, plus réticent, veut privilégier, avant toute chose, le dialogue social. Aucun d’entre eux n’est très précis sur ce qu’il envisage de faire. Sans doute pour faire évoluer l’opinion dans ce domaine sensible, des personnalités éminentes, telles Robert Badinter et Antoine Lyon Caen, viennent de publier un petit ouvrage, « Le travail et la loi », dans lequel ils relient le chômage de masse à une règlementation du travail « obèse » et qu’il importe de réformer. Avec un certain bon sens ils proposent des pistes de simplification du code du travail. Toutefois, tout est renvoyé à « un accord après débat avec les partenaires sociaux ». Ainsi, on peut s’interroger sur le sens exact de cette contribution. Est-ce une initiative de juristes de haut vol ou une commande du gouvernement pour poser les termes du débat et servir de base, ensuite, à des discussions concrètes ? Nul ne le sait.

Bref, on tourne autour de ce sujet. Sans doute vise-t-on à une maturation de l’opinion sur une éventuelle réforme ultrasensible. Cette méthode ajoute à la confusion car les hésitations sont telles, à ce sujet, qu’il ne peut en être autrement.

D’autres exemples pourraient être donnés tels les dispositifs bientôt discutés dans le cadre du projet de loi sur le dialogue social.  Les annonces gouvernementales, notamment sur les seuils sociaux prévoyant dans ce texte des modifications temporaires, laissent à penser qu’on s’achemine, sans doute, vers une sorte de contournement du droit du travail. Syndicats patronaux et de salariés s’affrontent et jusqu’ici le gouvernement tergiverse. La confusion, dans ce domaine, est  réelle. Citons aussi pour mémoire l’affaire du prélèvement à la source, simple mesure technique, qui fait la joie du « café du commerce » mais débouche sur des hypothèses toutes plus folles les unes que les autres.

La confusion se manifeste aussi dans le cadre de la discussion parlementaire. Les pérégrinations de la loi Macron en sont un exemple assez illustratif. Cette loi, au fil de la discussion à l’Assemblée et au Sénat, des amendements des uns et des autres et des rajouts de dernière minute du gouvernement, est devenue  un « fourre-tout », un grenier à mesures si différentes les unes des autres, qu’il faut être un expert de haut niveau pour s’y retrouver un peu. Inspirée par le désir de libérer les entreprises, de favoriser l’emploi, elle est devenue un instrument multipolaire permettant de régler, du moins l’espère-t-on, maints autres problèmes.

A force de faire compliqué, d’additionner les dispositifs aussi peu consensuels que le travail du dimanche ou la réforme des prud’hommes, on est parvenu au blocage.

Convenons ici qu’une partie de la gauche a trouvé là un moyen de faire oublier Poitiers et l’occasion de reprendre le chemin des micros et des studios de télévision. Le risque d’un rejet de ce texte de loi a conduit le Premier ministre à utiliser le fameux 49.3 arme certes légale mais qui a ajouté à la contestation sur le fond du texte une confusion dans les esprits de beaucoup sur le terrain de l’exercice souhaitable de la démocratie…

Ainsi, si on peut comprendre le désir de réformer, si on peut admettre les tâtonnements et les hésitations, il convient de ne pas s’installer, notamment dans le domaine du droit du travail, dans l’ambiguïté, source de confusion et d’inquiétude.  Encore faut-il, en amont, avoir mené les discussions jusqu’au bout. Dans le cas de la loi Macron, Manuel Valls a estimé que quatre cents heures d’échanges à l’Assemblée et en commission, puis l’acceptation de milliers d’amendements, constituaient un fonctionnement normal du Parlement. Une partie de la gauche excipe du fait que des « sujets de dernière minute » ont été rajoutés et n’ont donc pas été discutés.

Cette critique qui semble ne pas être totalement fausse a contribué à la confusion. Malgré le rejet de la motion de censure, cela  ne manquera pas de laisser des traces à un moment où il serait souhaitable  que la gauche  se rassemble. Peut-elle le faire dans la confusion ?

Le Président de la République qui, d’évidence envisage une nouvelle candidature en 2017,  serait bien inspiré de rappeler au gouvernement, d’abord mais aussi à tous ceux qui le soutiennent, que dans la conduite des affaires, la clarté est toujours préférable  à la confusion.

Pour être comprise, la politique menée doit s’inspirer clairement des valeurs que porte la gauche et s’éloigner, même si on a pour cap global la lutte contre le chômage, des dispositifs ambigus qui complaisent au patronat. Ainsi, même si on approuve les dispositifs d’aide aux entreprises dans la perspective du retour à la croissance et de création d’emplois, il est évident qu’il convient d’établir le distinguo entre le nécessaire et les cadeaux.

Tous ceux qui ont, à un moment ou à un autre, participé au combat syndical savent, qu’en général, lorsque le patronat se frotte les mains, l’ouvrier trinque. Ce rappel n’empêche nullement de réformer encore faut-il garder le sens de la mesure et ne pas tenter, dans la confusion de dispositifs abscons, d’avancer sur un terrain qui n’est pas celui de la gauche.

Jusqu’ici, tant le gouvernement Ayrault que celui que dirige Manuel Valls depuis un peu plus d’un an, ont conduit, n’en déplaise à la droite, une politique sérieuse, tenant compte des réalités économiques.

Maintenant, le désir de réformer pour faire baisser le chômage, certes priorité absolue pour les citoyens de ce pays, ne doit pas pour autant, amener à remettre en cause le droit du travail. Cela n’aurait, en outre, aucun effet réel sur les créations d’emplois. Rogner les droits des salariés ne servirait à rien. Ne l’oublions pas…

Le courant de confusion n’affecte pas que notre pays. Il est très présent un peu partout dans le monde. Ce qui se passe en Grèce constitue une sorte de quintessence de cette dérive.

Depuis des années, ce pays vit dans le non-dit et dans l’ambiguïté. Il a adhéré à l’Europe et à l’euro en dissimulant sa situation économique réelle. L’ensemble des gouvernements qui se sont succédé font que la Grèce vit à crédit et dépend de plus en plus des prêts accordés par le FMI et divers pays d’Europe. Les sommes dues sont désormais faramineuses.

Depuis déjà longtemps les prêteurs – qui sont loin d’être exempts de critiques et de reproches - , dans l’espoir d’être remboursés, ont imposé des mesures désastreuses qui ont pesé essentiellement sur les salariés, les retraités et les chômeurs.

Les réformes de fond n’ont malgré tout  pas été faites et la situation de la Grèce et de sa population est devenue catastrophique. Las de souffrir, le peuple, à l’occasion des dernières élections dans ce pays, a voté pour un parti d’extrême gauche – Syriza – promettant des lendemains meilleurs.  Son leader, devenu chef du gouvernement, a, au cours de la campagne électorale, multiplié les promesses toutes plus démagogiques les unes que les autres. Il n’ignorait pas l’endettement massif de son pays et savait donc que ses engagements ne pourraient être tenus -  ne fut ce que partiellement – sans un énième étalement de la dette. Pour le faire accepter, il négocie avec les créanciers. Ceux-ci, au début, ne se sont pas montrés opposés à cet étalement à condition que le nouveau gouvernement grec mette en œuvre les réformes de fond jamais réalisées jusque-là : réforme du système de perception des impôts, des retraites, soumission à l’impôt de l’église orthodoxe, des armateurs multimilliardaires, etc…  Rien n’a été fait ou si peu sur le plan structurel.

Lorsqu’il se rend à Bruxelles, Tsipras promet d’engager les réformes, lorsqu’il est à Athènes – devant la Vouli, le Parlement grec – il se dédit. Ainsi, à la première confusion de promesses intenables, il ajoute le double langage d’où naît la confusion la plus totale sur la situation de la Grèce.

 

Il ne cesse, par ailleurs, d’affirmer que ses créanciers demandent de tailler dans le montant des retraites et des salaires.  Les prêteurs ont d’autres objectifs. Ils espèrent un redressement plus global de la situation économique en réclamant une réforme des systèmes de retraite, de la collecte de l’impôt, etc…  De la confusion on passe à la déformation de la vérité. On est maintenant au bout des astuces et des pas de côté. La position victimaire, si elle est réelle pour le peuple, ne saurait exonérer ceux qui gouvernent de mettre en œuvre les dispositifs de fond seuls susceptibles de redresser la situation économique de la Grèce.

Hélas, cette confusion orchestrée, véritable rideau de fumée, risque de conduire les épargnants de ce pays à la faillite, au renchérissement des importations, à la pénurie généralisée et à la récession. Au-delà, le défaut budgétaire de la Grèce, qui se profile, ne sera pas non plus sans conséquences pour l’Europe.  La menace du démantèlement de l’euro n’est pas une hypothèse folle de même que le risque de déséquilibre géopolitique (1). Nous ne sommes plus loin des échéances majeures. En vérité, le pire est que personne ne peut mesurer le degré des conséquences, pour la France et l’Europe, d’un défaut de la Grèce. C’est pourquoi les dirigeants Européens responsables s’efforcent de dégager une solution de dernière minute.

Ainsi, que ce soit au plan national ou international, la confusion observée, ici et là, n’est pas une bonne chose. Elle peut générer de graves désordres. Chacun devrait en avoir conscience.

 

Jean Félix Madère

(1)  Le voyage à Moscou du chef du gouvernement grec le 18 juin, au moment où se tenaient d’ultimes négociations avec le FMI et l’Europe sur la dette, est loin d’être fortuit. Il a été vécu, notamment à Bruxelles, comme une sorte de provocation et comme un début de manipulation de Poutine, toujours prêt à attiser les dissensions au sein de l’Europe. Affaire à suivre…

 

Prochain blog le 29 juin

Notes de lecture le 25 juin

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