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les propos de madère
17 septembre 2015

Les propos de Madère - Et moi dans tout ça ?

Et moi dans tout ça ?

L’afflux des réfugiés Syriens voulant se rendre en Allemagne et les brutalités commises à leur endroit à la frontière hongroise commencent à marquer fortement l’opinion. Ce d’autant plus que pour maîtriser et canaliser ces milliers de personnes fuyant leur pays, Angela Merkel a dû, comme le prévoient les accords de Schengen, fermer provisoirement sa frontière. Cela ne remet pas en cause la poursuite de l’accueil des réfugiés dans ce pays. Il s’agit d’organiser et de les répartir sur le territoire. Pourtant, beaucoup s’étonnent de cette situation considérée comme alarmante.

Observons que tout cela était prévisible.

En effet, sans être grand clerc, on pouvait s’y attendre. Nous l’écrivions déjà, il y a quelques jours, dans un de nos blogs consacré aux problèmes des réfugiés et intitulé « Prise de conscience ? ». Rappelons, pour mémoire, que nous disions ceci : « Cependant, pour le pouvoir politique, comme pour les individus, rien n’est simple tant les problèmes sont immenses ».  « On va s’apercevoir très vite de la difficulté de l’entreprise, des résistances qui vont se manifester. Des tensions fortes vont se produire. Cela est indéniable ». D’évidence, nous y sommes. La multiplicité d'images diffusées chaque jour donnant l’impression que l’Allemagne – et non la France – est en passe d’être envahie par des hordes de misérables, marque les esprits. Beaucoup de ceux qui étaient prêts à accueillir ces réfugiés vacillent. Ils sont d’autant pris de troubles que maires et députés, qui vont avoir la charge d’organiser l’accueil de ces réfugiés destinés à être reçus en France, se heurtent à des problèmes matériels concrets. Ils doivent aussi faire face à l’inquiétude de la part de la population française en difficulté et demanderesse d’assistance et de logements.

Ceux-ci imaginent, en effet, que l’accueil des réfugiés va les priver des aides qu’ils espèrent ou que les logements qu’ils attendent depuis longtemps vont être affectés à des étrangers. Une sorte de stress les gagne et, propagande du Front national aidant, il se diffuse à une large partie de la société française.

Face à cette France inquiète, qui semble à nouveau se séparer en deux blocs opposés, il n’est sans doute pas inutile de tenter de bien situer problèmes et enjeux.

D’abord combien de réfugiés la France a-t-elle accepté d’accueillir ? Le chiffre global donné est de vingt-quatre mille et, même si on admet que quelques centaines de familles seront admises en plus sur le territoire français dans les deux prochaines années, on ne peut que constater que nous sommes très loin des 800.000 réfugiés qui vont être accueillis en 2015 en Allemagne. Identité nationale et âme de la France ne sont pas en péril !

Cependant, il ne faut pas minorer pour autant les difficultés qui vont se poser, concrètement, pour assurer un accueil digne de ces personnes en difficulté. Les endroits où ils vont être hébergés devront permettre : l’apprentissage du Français pour les adultes, l’accès à l’école pour leurs enfants, les facilités de déplacements lorsqu’ils seront en capacité de trouver du travail. Soulignons-là que la question de l’emploi pour eux ne se posera que dans un deuxième temps. Pour parvenir à cet objectif d’accueil convenable, il convient, d’ores et déjà, de prévoir que ces réfugiés soient répartis sur l’ensemble du territoire et non concentrés dans des sortes de ghettos susceptibles de favoriser le développement de communautarismes.

Convenons que ce n’est pas simple mais dans un pays de 66 millions d’habitants comportant trente-six mille communes et pouvant s’appuyer sur un réseau très important d’associations et de personnes prêtes à s’engager dans cette tâche, c’est tout de même un défi qui n’est pas insurmontable.

Il faut ici, et c’est impératif à la réussite de cette entreprise reposant sur la générosité, qu’elle ne soit pas mise en concurrence ou en opposition avec la solidarité nationale à l’égard de la population française.  Dans cet esprit, le gouvernement a bien fait de rappeler que des crédits supplémentaires allaient être dégagés afin que les deux situations soient traitées sans que l’une ne diminue les possibilités offertes à l’autre.

Nous touchons là à un aspect essentiel du défi que la France a le devoir d’assumer en accueillant ces réfugiés comme l’y obligent les conventions internationales. Bien entendu cela doit se réaliser dans le cadre harmonisé, régulé et organisé au plan européen. La France doit prendre toute sa part dans ce travail essentiel de coordination pour l’instant insuffisant. Pour éviter tout dérapage, il ne faut pas écarter  une fermeture provisoire de nos frontières comme l’a fait, à juste titre, l’Allemagne.

Générosité ne signifie pas angélisme !

Au vrai, cette politique d’accueil doit se garder de tous les excès. Il faut dire clairement que nous ne pouvons additionner accueil des réfugiés et migration économique. Nous sommes face à un tel flux qu’il importe de faire un choix. Nous avons le devoir d’admettre sur notre territoire ceux dont la vie et  la liberté sont en danger dans leur pays. Cela ne signifie pas que nous devions recevoir les cohortes de ceux qui veulent, essentiellement, en venant en France ou en Europe, améliorer leur situation matérielle.

Comme le disait Michel Rocard – mais là il faut citer toute la phrase – « on ne peut pas prendre en charge toute la misère du monde mais il faut en prendre sa part ».

Tout ceci rappelé, il faut être bien conscient que ce problème des réfugiés va être, malgré tous les bémols qu’on peut y mettre, une bataille avec les tendances extrémistes. Celles-ci  véhiculent des idées et des concepts qui impriment plus facilement les esprits que des raisonnements basés sur la réflexion, la modération et le respect des règles internationales.

On croit ainsi plus aisément au risque, bien qu’imaginaire, du déferlement migratoire. On se laisse plus facilement impressionner par les propos sommaires et les mensonges. On cède, sans le vouloir vraiment, aux peurs. De plus, dans un contexte préélectoral – nous somme à trois mois des élections régionales – les maximalismes vont être à leur comble. On va ainsi d’un côté réclamer une politique d’accueil  « toutes portes ouvertes » et de l’autre prôner l’enfermement, le « barricadage » égoïste mais se voulant rassurant.

Face à cela, ceux qui sont aux affaires, les mains dans le cambouis, apparaîtront, sans doute, pusillanime et effectuant des choix étriqués ne correspondant pas à l’ampleur du défi de l’afflux  massif de réfugiés mais aussi, sans que la contradiction ne soit relevée, trop généreux. Comme le dit, avec un certain bon sens, Alain Duhamel : « Bernard Cazeneuve parle vrai mais s’écoute mal, Marine Le Pen épouvante et remue ».

Cela résume bien les difficultés de la bataille actuelle. Cette bataille est d’autant plus ardue que la droite, qui connaît pourtant pour avoir gouverné, la fragilité de l’opinion face à de tels problèmes, au lieu de rechercher, au moins dans ce domaine, un minimum de consensus, en rajoute.

Ainsi, Sarkozy, tout à son combat interne face à ses concurrents de la primaire, appelle à un vote par internet pour se faire mandater par ses « adhérents groupies » sur des positions dépassant largement le cas de l’accueil des réfugiés. Il pose les problèmes en termes généraux sur l’immigration et n’hésite pas à proposer la limitation du regroupement familial, la suppression de l’aide médicale d’Etat, etc… Son succès est assuré au sein de son parti mais il se moque comme d’une guigne du trouble qu’il va ajouter  dans l’opinion. Sa course « à droite toute » lui fait perdre tout sens de la mesure.

C’est en tenant compte de tous les aspects que nous venons d’évoquer qu’il faut conduire la réflexion et comprendre, au-delà de l’accueil des réfugiés, que nous sommes dans une bataille d’opinion.

Nous avons toute raison de souhaiter que l’élan de générosité, constaté ces dernières semaines dans la population, ne s’effritera pas. Il est, en effet, soutenu par beaucoup de maires, d’élus locaux et de députés de toutes tendances. Il est, en outre, relayé par un nombre d’associations et d’individus isolés très important dépassant très largement ce qui est habituellement constaté dans les mouvements d’opinion.

Cet élan paraît ainsi en situation de faire face aux  campagnes démagogiques en cours.

Pourtant, il est impératif que tous ceux qui doutent – notamment les Français les plus pauvres – soient rassurés, ne se posent plus la question  « Et moi dans tout ça ?» et comprennent que le devoir de fraternité à l’égard des réfugiés n’altèrera pas leurs droits sociaux et ne les écartera pas des logements auxquels ils peuvent légitimement prétendre.

Cette prise de conscience est le garant que seront évitées des fractures graves au sein de l’opinion française.

 

Jean Félix Madère

 

 

 

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je découvre votre blog en parcourant le catalogue "politique" de canal blog, et j'approuve vos propos sages et modérés.
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