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les propos de madère
15 octobre 2015

Les propos de Madère - Trouble et calculs

Trouble et calculs

Depuis déjà pas mal de temps, bon nombre de citoyens Français apparaissent en manque de repères. Longtemps l’opinion se structurait à partir des idéaux et des convictions de partis politiques reconnus.

Chacun, notamment en période électorale, se retrouvait dans les programmes et choix de ces partis. Ainsi, une large part de l’électorat apportait ses suffrages toujours ou presque au même « camp ». Certes, demeurait une frange hésitante, imprévisible, considérée, avec une certaine dérision, comme le ventre mou de l’opinion.

Néanmoins, cet électorat non identifié, faisait parfois, comme disent les sondeurs, l’élection.

Désormais, l’électorat est devenu volatil, migrateur. Ainsi, une partie des Français considérés à gauche apportent leurs voix à l’extrême droite. C’est singulièrement et de plus en plus le cas des ouvriers et des salariés appartenant à la classe moyenne. Il en va de même à droite où de nombreux petits commerçants, artisans, agriculteurs et cadres moyens adoptent une attitude similaire. Les tensions actuelles sur le terrain social : problèmes à Air France, grogne dans la police – largement récupérée sur le terrain politique – durcissement des attitudes et comportement de la CGT, visant en large partie à masquer ses problèmes internes et son incapacité à mettre en œuvre de véritables rapports de force avec le patronat et le gouvernement, tout cela contribue au développement d’un malaise réel dans la société.

Ce malaise vient de loin et tient certes pour beaucoup aux problèmes de l’emploi mais il trouve sa source dans l’incompréhension d’une large partie du salariat ne se reconnaissant pas dans la politique du gouvernement. Après « la déception Sarkozy » s’instaure « une déception Hollande » conduisant bon nombre de citoyens-électeurs à se détourner des partis de gouvernement.

Ce reflexe de rejet est sans doute injuste mais il est indéniable.

Ainsi, un trouble évident s’est installé dans la classe politique. Cela se ressent à tous les niveaux où se déroulent les consultations électorales. Nombre de Maires, fins connaisseurs des opinions de leurs villages ou villes moyennes, vont d’étonnement en étonnement en découvrant, au fil des élections, la progression des votes Front national. Beaucoup, en circulant dans les rues de leurs bourgades ou lors des fêtes locales, regardent avec des interrogations plein les yeux tous ces gens qu’ils connaissent et dont une partie, c’est clair, choisissent désormais les extrêmes.

Ils en arrivent à redouter, à un moment ou à un autre, le basculement encore plus massif de l’opinion.

Face à cette situation, la facilité alors est d’accuser uniquement gouvernement et Président de la République actuel de tous les maux expliquant cette redoutable mutation de l’électorat. On oublie alors que cette évolution est en cours depuis longtemps. Sa première manifestation visible a été l’accession de Jean Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection Présidentielle de 2002. A l’époque, un coup d’arrêt a été marqué tant le choc fut important dans les partis de gouvernement.

Puis, les crises économiques se sont intensifiées, le chômage a fait des ravages et, tant à la période du mandat de Nicolas Sarkozy que maintenant durant celui de François Hollande, une impression d’incapacité à surmonter les problèmes s’est installée.

Droite et gauche classiques se renvoient les responsabilités de la situation et ne cessent de s’écharper. C’est pain bénit pour les extrêmes. Lorsque l’un ou l’autre de ces partis de gouvernement est aux affaires pour faire face à la crise et redresser les comptes publics, ils développent des politiques, notamment fiscales, forcément impopulaires. Elles le sont d’autant plus que les résultats ne sont pas, jusqu’ici, au rendez-vous.

Le rejet est alors quasi inévitable. Ce d’autant plus que ni les uns ni les autres ne mènent vraiment et durement le combat contre ceux qui sont porteurs des idées extrêmes.

S’installe alors une sorte de désir d’essayer autre chose. Cette autre chose est en plus désormais considérée comme sans risque pour la démocratie tant le Front national s’est inscrit dans une politique de dédiabolisation. Ainsi, beaucoup de citoyens de ce pays ne redoutent plus d’afficher leurs nouvelles convictions.

Pourtant, cette dédiabolisation est toute théorique. Il suffit de voir la tonalité de la campagne de Marine Le Pen pour les élections régionales. Elle ne parle que d’invasion migratoire et de submersion du pays par les étrangers. Tous les autres problèmes de la société sont à peine évoqués. La xénophobie lui tient lieu de programme. Elle est ainsi, contrairement aux idées reçues, totalement dans la continuité de son père.

Tout ceci rappelé, force est de constater que ça marche. La presse enfonce le clou en affirmant que Marine Le Pen sera qualifiée pour le second tour de la Présidentielle et que le Front national est en passe de gagner plusieurs régions lors des prochaines élections régionales.

Face à ces pronostics, les leaders politiques de droite comme de gauche cherchent à reconquérir l’électorat qui les déserte.

Le gouvernement mise sur la réussite de sa politique et multiplie, tardivement en désordre et sans grande clarté, les décisions se voulant favorables aux moins bien lotis, notamment par l’annonce de baisses d’impôts et Nicolas Sarkozy reprend de plus en plus les idées du Front national.

A n’en pas douter, cela va s’avérer insuffisant pour reconquérir les électeurs déçus. Vraisemblablement conscients que cela ne débouchera pas sur le résultat espéré, au sein et à la périphérie des deux camps, des fractions réclament au Président de la République un retour à une « vraie politique de gauche », c’est-à-dire rouvrir les vannes de la dépense et à droite, au-delà des emprunts nauséabonds au Front national, un renforcement du libéralisme, c’est-à-dire la mise en œuvre d’une véritable austérité. (1)

Or, il apparaît que ces pistes ne sont guère convaincantes tant les sondages – et cette fois on peut en tenir compte tant ils se confirment les uns après les autres – ne marquent pas d’adhésion à ces demandes d’inflexion  voire d’évolution plus nette. Il suffit de voir les scores annoncés pour le Front de gauche, le PC ou les Verts pour vérifier que les anciens électeurs de gauche n’ont pas l’intention de donner massivement leurs suffrages à ces formations plus à gauche que le Parti socialiste. Quant à la droite, hormis le fait qu’elle profite d’un rejet de François Hollande, les études d’opinions démontrent à l’envi que l’ensemble de son électorat ne réclame pas « du sang et des larmes ».

Il semble choisir le dangereux pari de « renverser la table » et de placer ses espérances dans une autre voie, celle jamais explorée. C’est un constat désagréable mais assez probable.

Aussi, on commence à entendre, ici et là, « après tout si cela se produit on verra bien ». C’est peut-être, se dit-on, le moyen de recomposer le paysage politique, d’un côté une « vraie gauche » revenue à ses fondamentaux, de l’autre une droite décomplexée prête à réformer à la hache et, au milieu, une espèce de nouveau parti dans le paysage français, mâtiné de droite et de gauche mêlant ceux qui refuseront, des deux  côtés, ces évolutions (2).

Tout cela ressemble un peu à un pari dangereux qui, pour se réaliser, passe à la fois par l’échec de ceux qui sont aujourd’hui aux responsabilités et par une étape, sorte de  terre brulée, à partir de laquelle on reconfigurerait la politique française.

On conviendra que ce chemin, menant forcément à des victoires partielles ou plus larges de l’extrême droite et donc à l’échec des forces démocratiques, ne soit guère tentant.

Mieux vaut raison garder et essayer, tant qu’il n’est pas trop tard, d’éviter ce genre de « calculs ».

Ainsi, il appartient aux forces démocratiques de ce pays de se ressaisir. Chacun sait que droite et gauche ce n’est pas la même chose mais chacun, avec ses armes, doit reconquérir son électorat et écarter ainsi le danger que représente le Front national.

 

Jean Félix Madère

 

(1)  Notons ici que Nicolas Sarkozy est en train de faire « légaliser » cette droitisation en faisant voter par ses plus fidèles supporters, c’est-à-dire les adhérents de son parti, dans le cadre d’une série de referendum, les positions les plus rétrogrades. Soulignons que cela vise aussi à phagocyter ses concurrents lors de la primaire interne de l’ex UMP devenu « Les Républicains ».

 

(2)  L’éditorialiste de France Inter, Bernard Guetta, dans sa dernière chronique à « Libération » a avancé des idées de même nature. Il écrit ceci : « Qu’on le veuille ou non il n’y a plus en Europe d’opposition déterminante entre une gauche qui aurait le monopole du bien commun et une droite qui incarnerait la réaction, tous courants confondus. Le développement, dans presque tous les pays de l’Union, de nouvelles extrêmes droites xénophobes et europhobes dessinent deux nouveaux blocs, droite radicale et extrême droite d’un côté, gauche et droite moderne de l’autre.

Tant que ce changement n’aura pas été reconnu, l’offre politique continuera à ne plus correspondre à rien et le discrédit de la politique s’accentuera, alors même qu’il est déjà mortifère ». (En guise d’au revoir, Bernard Guetta).

Pense-t-il à l’après 2017 en France ? En tous cas, il s’inscrit dans les idées actuelles de nécessaire recomposition du paysage politique français et européen.

Qu’on le partage ou pas c’est un point de vue qui est loin d’être isolé.

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Commentaires
S
Les forces politiques se ressaisissent, mais chacune pour leur paroisse. Elles n'ont pourtant qu'un seul programme, "on ne change rien". Nous ne sommes encore qu'à quinze mois, environ, des présidentielles. La primaire des républicains devra avoir lieu*. Elle ne consacrera pas forcément Nicolas Sarkozy, et le favori n'est pas encore sélectionné. Sarkozy a pour lui le parti, mais pas les sympathisants.<br /> <br /> On ne peut considérer la situation comme jouée.<br /> <br /> * Si elle n'est pas loyale, il y aura des candidatures libres. <br /> <br /> Sceptique
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