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les propos de madère
14 décembre 2014

Les propos de Madère 4

Cristallisation des mécontentements

 

Le projet de loi « sur la croissance et l’activité » présenté ces derniers jours en Conseil des ministres se veut un marqueur important de la politique gouvernementale. Ainsi, il est annoncé comme un des éléments essentiels des réformes menées par Manuel Valls. Commenté lors d’une conférence de presse dans le cadre solennel du Palais de l’Elysée en présence, fait inhabituel, d’une brochette de ministres, il a suscité de multiples réactions dont beaucoup mettent en cause l’orthodoxie socialiste.

Un foisonnement de prises de positions assez contradictoires s’est développé. Ainsi, d’après l’Institut de sondage Odoxa une large part de la population française lui est favorable alors qu’au sein de la majorité les oppositions sont virulentes. La discussion à l’Assemblée nationale s’annonce vive. Les syndicats, quant à eux, sont vent debout.

L’opposition de droite ne sait trop quelle attitude adopter à l’égard d’un ensemble de mesures nées, pour l’essentiel, d’un rapport commandé lors du précédent quinquennat à Jacques Attali. Considérées, à l’époque, comme trop teintées à gauche et difficiles à faire adopter par une majorité de droite, ces mesures sont donc restées lettre morte. Retravaillées, mêlées, s’agissant des professions règlementées, au dispositif envisagé par Arnaud Montebourg, alors ministre, elles constituent la base du texte du projet de loi. Mal à l’aise, la droite, à l’instar d’Alain Juppé, en minore effets et conséquences.

Ce projet qualifié par beaucoup de fourre-tout, par d’autres de fouillis, embrasse un ensemble de problèmes très différents les uns des autres. Ainsi, y traite-on du « déverrouillage » des professions réglementées – notaires, huissiers de justice, commissaires priseur, avocats, etc – dans l’objectif de rendre ces professions plus accessibles aux jeunes et moins chères pour les usagers ; de la réforme des prud’hommes ; de l’ouverture du capital des aéroports régionaux ; de l’autorisation de la mise en place d’une sorte de service, sur l’ensemble du territoire, d’autocars a priori moins chers que les liaisons ferroviaires et du travail du dimanche, etc…

Ce dernier point est le plus contesté tant et si bien que, dans l’opinion, on ne parle guère que de cette question. Certains évoquent, à ce propos,  un « choc de civilisation », d’autres considèrent qu’il s’agit d’une régression inacceptable de la condition ouvrière.

En conséquence, d’âpres discussions sont en cours au sein de la majorité pour qu’au lieu d’une ouverture autorisée de douze dimanches dans l’année on se limite à sept.

On est déjà loin du problème de fond. En effet, si on est contre l’ouverture le dimanche au nom d’une conception de la société permettant à tous un repos dominical rendant possible une vie personnelle de loisirs ou de pratique religieuse  on ne saurait accepter une mise en cause, fut elle limitée, de ce choix.

Entrer dans la discussion sur ce point, hormis pour des exceptions géographiques très ciblées, confine à l’épicerie et à une politique de marchand de tapis.

Pourtant, il ne fait aucun doute que des arrangements de type épicerie seront proposés et acceptés. Ce ne serait pas très glorieux.

Par ailleurs, les professions dites réglementées vont faire monter la pression pour être le moins affectées possible par un dispositif visant à mettre en cause une situation de rentes tellement ancrée dans l’histoire qu’elle semble, à leurs yeux, intangible.

Aussi paraît-il prudent, avant de se faire une opinion à ce sujet, d’attendre d’être en situation de comparer le texte de départ du projet de loi et ce qu’il en restera au sortir de la discussion parlementaire.

De même, conviendra-t-il de surveiller ce qu’il adviendra des paragraphes permettant « aux employeurs de décider seuls du périmètre de licenciement ».

Les parlementaires, les syndicats et tous les groupes de pression – ce qui est normal en démocratie – vont user de tous leurs pouvoirs soit pour faire retirer tel ou tel aspect du projet de loi soit pour le rendre le moins pénalisant, voire le plus positif, pour eux ou pour leurs mandants.

Il est ainsi probable que ce projet de loi, fait entre autre chose, même si ce n’est pas reconnu explicitement, pour satisfaire la demande de l’Europe de réformes fortes en France ne remplira pas, loin s’en faut, son office. Tout au plus, Bruxelles y verra-t-elle une volonté de réforme lui permettant de se montrer clémente à l’égard de la situation  budgétaire de la France.

D’évidence, dans l’état actuel, ce texte est globalement discutable parce qu’il est porteur de remises en cause sérieuses, ne contient aucun chiffrage des emplois qu’il générera éventuellement et qu’il n’ouvre aucune garantie d’évolution vers la croissance. Il doit donc être sérieusement discuté et amendé.

Au-delà de toutes ces considérations, il convient de souligner qu’en toile de fond de ce projet, porté par Emmanuel Macron, se jouent les prémisses du prochain congrès du Parti socialiste. La ligne dite social libéral incarnée par ce jeune ministre est combattue avec autant de force parce qu’elle paraît heurter de front les totems de la gauche.

Nous touchons là au point le plus sensible.

La montée en température actuelle est telle que les passions prennent le dessus sur les réalités. Or, soyons clair, ce n’est pas la loi Macron qui va changer fondamentalement la doctrine socialiste.

Son ambition actuelle n’est pas à ce niveau.

Ainsi, avant de lancer des anathèmes, attendons le résultat du débat parlementaire qui débutera le 22 janvier 2015.  Donnons du temps à ce gouvernement.

En effet, il ne faut jamais oublier que les résultats sont toujours longs à venir dans le domaine économique. Ne pas l’ignorer, ne pas participer, à ce point des choses, à la cristallisation des mécontentements, ne pas écouter ceux qui aboient, ne font rien et ne présentent aucune mesure crédible est la voix de la sagesse, celle des socialistes sincères.

 

 

Jean Félix Madère.

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