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les propos de madère
5 novembre 2015

Les propos de Madère - Couacs et craquements

Couacs et craquements

Depuis quelques jours, le gouvernement enchaîne couacs et reculades. Cela a été singulièrement le cas au sujet de la demi-part des veufs ayant élevé des enfants, puis concernant la dotation globale de fonctionnement aux collectivités locales, l’aide personnalisée au logement et le nouveau mode de calcul de l’allocation d’adulte handicapé (AAH).

Sans d’aucune manière s’inscrire dans le tintamarre développé à propos de ces couacs par l’opposition, on ne peut les passer sous silence et ainsi les ignorer. C’est un devoir de liberté que d’en parler. Ainsi, même si on peut admettre qu’aucune réforme n’est facile à mettre en œuvre, force est de constater que, dans tous ces domaines, le gouvernement semble avoir perdu la main. Il est contraint, face aux tollés de protestations, de revoir ses décisions initiales. Toute sa politique de communication concernant la baisse d’impôts est très largement perturbée. L’annonce de baisse des impôts pour 8 millions de foyers – montant de la facture pour l’Etat : 2 milliards d’euros – est noyée par le trouble, voire la grogne, de petits retraités jusqu’ici exonérés d’impôts locaux se retrouvant à devoir payer des taxes foncières et d’habitation.

Bien que l’origine de cette décision remonte à 2008, c’est-à-dire lors du mandat de Sarkozy, le gouvernement actuel, sans doute mal informé par les services de Bercy, pas assez vigilant et peu à l’écoute du terrain, n’a pas vu venir que son application allait déclencher une telle irritation et pis un désarroi parmi les personnes âgées concernées. Voulant rectifier la situation le plus rapidement possible il a commis une nouvelle bourde, au moins au plan psychologique, en appelant les retraités visés à « ne pas payer leurs impôts ». Du jamais vu à l’initiative des Finances. Bref, la tentative de faire oublier la débauche fiscale du début du quinquennat a tourné court.

Comme si cette affaire ne suffisait pas, le gouvernement s’est ensuite « emberlificoté » dans le projet de mise en œuvre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement attribuée aux collectivités locales. Il s’agit là d’une enveloppe très importante, 32,93 milliards en 2016. La levée de bouclier à ce sujet porte sur le mode de répartition de cette dotation. Pour beaucoup de députés et d’élus locaux, la répartition actuelle est illisible et source d’inégalités. Prenant soudainement conscience des difficultés susceptibles de naître par le vote de cette réforme en l’état, le Premier ministre lui-même est monté en ligne et a décidé de procéder en deux fois. D’abord faire voter les principes de la nouvelle attribution de la DGF et ensuite  prendre du temps, jusqu’à 2017, pour revoir les critères de répartition en tenant compte notamment de la future carte des intercommunalités.

Ce « tango », s’il est susceptible de calmer les esprits échauffés de nombreux responsables de collectivités locales, n’efface pas le sentiment d’impréparation sur un sujet très important.

Là ne s’arrêtent pas les « pas de deux » du gouvernement. Il vient ainsi de s’illustrer – encore – à propos de l’aide personnalisée au logement. Contrôlant mal ou gérant mal sa majorité, deux amendements contestables ont été votés sur cette question lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Ils visent à placer ces aides sous conditions de ressources. Certes, cela partait d’une recherche de justice et d’équité mais risquait, sur un dossier aussi explosif, de provoquer, chez les étudiants, un réflexe de colère mal évalué ou insuffisamment pris en compte lors du vote par l’Assemblée.

Prenant conscience de ce risque, le gouvernement a décidé de s’opposer à cette mesure pourtant votée par sa majorité. Finalement, dans un compromis de dernière minute, cette disposition ne s’appliquera qu’aux étudiants dont les parents sont soumis à l’ISF !

Dernière maladresse du gouvernement : le nouveau mode de calcul de l’allocation adulte handicapé prévu dans le projet de budget 2016. Il était envisagé de déduire du montant de cette allocation les intérêts des comptes épargne non imposables comme le livret A. Cela aurait réduit non seulement le montant de l’AAH pour les bénéficiaires ayant de l’argent de côté mais cela aurait surtout fait perdre des droits connexes à ceux qui touchent l’AAH à taux plein. L’Association des paralysés de France a calculé que quelques dizaines d’euros tirés de leurs livrets de compte épargne (205 euros au maximum) leur aurait fait perdre, par cette réforme, 1257 à 2151 euros par an…

Prenant acte des protestations, mais aussi du caractère injuste de ce nouveau mode de calcul, le gouvernement a renoncé. Il s’est ainsi sorti de ce mauvais pas mais les dommages moraux auprès de ces populations fragiles seront sans doute considérables

On le voit, comme on dit trivialement, le gouvernement, dirigé par Manuel Valls, n’est pas dans une « bonne passe ». Il accumule les déconvenues et les faux pas. Convenons qu’on peut faire mieux surtout à la veille d’une échéance électorale. C’est étonnant de la part d’un dirigeant politique choisi pour son autorité, sa connaissance des dossiers et sa volonté  d’avoir un cap et de s’y tenir.

A ce point des choses, on peut se demander si Manuel Valls n’est pas quelque peu déstabilisé par l’évidente rentrée en campagne de François Hollande qui, tout à son objectif d’être candidat en 2017, ne cesse d’occuper le devant de la scène et de multiplier les déclarations.

Ainsi, contrairement à ce que disent la plupart des observateurs, il faut noter ici désormais, même si elle est niée par les intéressés, une réelle distanciation entre Manuel Valls et François Hollande. Les placer sur la même ligne est, nous semble-t-il, une erreur. Le Président de la République n’hésite pas à corriger et à atténuer les erreurs du gouvernement, à écarter les décisions les plus drastiques, à contraindre que soient différées ou revues  les réformes, sources de potentiels conflits. Il est ainsi probable que la réforme du code du travail annoncée à grands coups de trompes ne touchera pas à l’essentiel même si certains aspects, comme la négociation au niveau des entreprises et l’encouragement à la pratique référendaire directe auprès des salariés, moyen de contournement des syndicats, sont contestables. François Hollande recadre ainsi souvent son Premier ministre. Par ailleurs, par petites touches, il tente de redevenir le garant du maintien d’une politique permettant à terme le rassemblement de la gauche. Il s’installe ainsi dans une position centrale confinant Manuel Valls dans l’intendance  et dans sa recherche d’un improbable social réformisme.

Même si le Premier ministre ne cesse d’affirmer sa loyauté à l’égard du Président de la République, même s’il se déclare heureux à Matignon, on sent bien qu’il ne vit pas très bien cette période où il doit, plus que jamais, mettre en sourdine ses convictions profondes. C’est la dure loi des institutions de la Vème République. D’évidence, le moins qu’on puisse dire, est que François Hollande et Manuel Valls n’ont pas le même timing politique.

Par ailleurs, on commence, ici et là, à évoquer, au lendemain des régionales, un changement de gouvernement allant jusqu’au remplacement du Premier ministre. Il s’agit jusqu’ici de conjectures non confirmées par des faits tangibles. On est là plus dans les suppositions que dans des hypothèses totalement crédibles.

Disons que cela ressemble à une ambiance et à des premiers craquements dans le couple que forment le Premier ministre et le Président de la République.

Mais, si depuis quelques semaines, Manuel Valls paraît moins à l’initiative et semble ne plus contrôler aussi bien sa politique et sa majorité - les quatre exemples cités ci-dessus en témoignent – il n’est pas homme à renoncer facilement et à laisser s’installer une sorte de dérive susceptible de l’emporter.

Dans cet esprit, pour affirmer son autorité, il vient de relancer, contre toute attente, le projet contesté par les Verts, de l’aéroport de Notre Dame des Landes dans les environs de Nantes. Il ferraille avec Cécile Duflot. Il existe en affirmant l’autorité de l’Etat.

Il a annoncé aussi qu’il allait prendre une part très large dans la campagne électorale des régionales. C’est pour lui le moyen de « remonter sur son cheval », de marteler ses idées, de rappeler les réformes qu’il a déjà conduites et d’affronter ses adversaires.

Là encore, la situation est compliquée pour lui tant le succès est loin d’être garanti. En s’impliquant autant sur le terrain électoral, il prend le risque d’être, pour partie, rendu responsable des défaites annoncées dans de nombreuses régions. Toutefois, il espère sans doute – et cela n’a rien d’impossible – être crédité de quelques succès.

De toute manière, convenons que s’il veut maintenir son image de battant et reprendre la main il n’a pas d’autre choix.

Ainsi, en dépit des difficultés actuelles observées dans sa gestion des affaires gouvernementales, Manuel Valls est, en quelque sorte, dos au mur. Il ne peut qu’affronter l’adversité.

A l’opposé, l’attitude de François Hollande, désormais en campagne pour assurer sa candidature en 2017, le conduit à retrouver le chemin des équilibres indispensables pour ressouder ou reconstruire la majorité qui l’a conduit à l’Elysée en 2012. Il fait déjà ou il fera des concessions pour rassembler la gauche.

Son pari, malgré l’ironie des sondeurs, l’atonie de quelques hiérarques du Parti socialiste, la défection quasi certaine du Front de gauche, d’une partie des Verts et le mépris des Sarkozy et autres leaders de droite, est d’apparaître, en 2017, comme le seul dénominateur commun de la gauche et de l’ensemble des forces de progrès. Cela sera-t-il suffisant pour gagner ? Bien malin qui a la réponse.

En tous cas, il n’est pas évident que ce comportement de ravaudage des forces de gauche collera toujours avec les contraintes gouvernementales assumées par Manuel Valls. Il ne serait ainsi pas étonnant que de nouveaux  craquements se produisent souvent entre les deux têtes de l’exécutif.

La plasticité de l’un et la raideur de l’autre conduiront-elles en cette fin d’année à un divorce jusqu’ici impensable ou, en politiques chevronnés qu’ils sont l’un et l’autre, limiteront ils les divergences ?

La réponse à ces interrogations, considérées par beaucoup comme iconoclastes, viendra au lendemain des régionales.

 

Jean Félix Madère

 

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