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les propos de madère
9 novembre 2015

Les propos de Madère - Notes de lecture

Notes de lecture

Parmi mes lectures de ces dernières semaines je signale quatre livres : Nos si beaux rêves de jeunesse, de Christian Signol, FOG de Marion Van Renterghem, Clemenceau, portrait d’un homme libre de Jean Noël Jeanneney, La mort des autres de Jean Guehenno.

Quelques commentaires à propos de ces ouvrages choisis pour leur qualité mais aussi pour la diversité de leur intérêt.

Nos si beaux rêves de jeunesse de Christian Signol, roman publié en octobre 2015 aux éditions Albin Michel (342 pages), raconte l’histoire de deux jeunes, Etienne et Mélina, nés sur les bords de la Garonne dans des familles pauvres. Christian Signol décrit, au travers de leur vie, la période allant des années 1930 au début de la guerre de 1939-1945. Fidèle à ses habitudes, l’auteur met en valeur les paysages, les villages et les villes où il situe l’action de son roman. Il insiste beaucoup sur l’attachement d’Etienne à la Garonne et à ses rives.

Allant enfants ensemble à l’école, les deux héros du livre connaissent des parcours différents. Mélina, très travailleuse à l’école, tente de saisir sa chance en étudiant et espère à devenir institutrice. Elle rêve de quitter la campagne pour aller vivre en ville, à Toulouse. Las, rattrapée par sa condition, ses parents ne veulent pas la maintenir à l’école. Son rêve d’enseignement est brisé. Elle doit accepter un emploi de gouvernante dans une famille riche… mais à Toulouse.

Etienne, lui, moins porté sur les études, espère rester sur les bords de la Garonne et vivre sa vie en péchant. Cependant, lui aussi doit travailler. Son oncle lui trouve un petit boulot dans une usine puis il entre en apprentissage dans une imprimerie à Toulouse, endroit où il ne souhaitait pas s’installer.

Il retrouve Mélina. En 1936, c’est le Front populaire, les grèves et manifestations auxquelles Etienne participe activement.

Ces mouvements d’enthousiasme populaires sont rappelés avec beaucoup de précisions par l’auteur. Nos deux héros s’aiment, se marient. Mélina est enceinte. C’est le début de la guerre de 1939. Etienne, patriote, s’engage. Le roman s’achève au moment de son départ.

On peut penser que Signol, fidèle à ses habitudes, donnera bientôt une suite à cet ouvrage.

Le roman, comme tous ceux qu’a écrits, jusqu’ici, cet auteur, se lit très facilement. L’histoire se déroule de manière chronologique dans une région bien identifiée, les environs de Castelsarrasin, d’Agen puis de Toulouse. La Garonne est magnifiée par l’attrait qu’elle exerce sur Etienne mais aussi Mélina. Ils sont les enfants du fleuve.

Les événements de 1936 donnent un cadre historique à la vie et aux amours des deux personnages principaux. La condition paysanne, au début du roman, puis ensuite celle des ouvriers et des « gens de peu » est très bien exposée. Cela donne l’occasion de bien mesurer les différences avec la situation actuelle.

Bref, ce roman est à la fois agréable à lire et instructif à plus d’un titre.

Christian Signol, écrivain reconnu, a été plusieurs fois récompensé par de multiples prix littéraires. Ses bouquins se déroulent pour la plupart dans le Sud-Ouest, il fut un moment considéré comme un auteur régionaliste. Il a, depuis longtemps, dépassé ce cadre restrictif. Son œuvre riche lui a permis de compter désormais parmi les romanciers les plus lus de France.

Rappelons pour mémoire quelques-uns de ses romans : Les vignes de Sainte Colombe (1996) Grand prix des lecteurs du livre de poche, Les messieurs de Granval (2005) Grand prix de littérature populaire de la Société des gens de lettres, Une si belle école (2010) Prix Sivet de l’Académie française.

 

FOG, Don Juan du pouvoir de Marion Van Renterghem, est une biographie du célèbre journaliste Franz Olivier Giesbert, publié en octobre 2015 aux Editions Flammarion (266 pages). Son intérêt réside certes dans la description du parcours flamboyant mais pas toujours glorieux de Giesbert mais surtout dans les fourmillantes informations sur les comportements des plus hautes autorités de l’Etat et des élites Françaises.

Le héros de cette bio n’est pas épargné par l’auteur. Ses défauts – multiples - sont mis en exergue sans retenue ainsi que son obsession du pouvoir dans lequel « il se vautre pour l’observer, le défier, se mesurer à lui, le détruire ».

Apparaissent au fil des pages des portraits sans concession de François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin. Franz Olivier Giesbert les a côtoyés, aimés souvent puis détestés et « dézingués ». Sa relation avec François Hollande est, pour le moment, dans la phase de l’admiration et de l’attrait. Cependant, à n’en pas douter, il aura bientôt le même sort que les autres.

Marion Van Renterghem explique avec talent et une plume acide les multiples facettes du personnage Giesbert. Dans une phrase au long cours, elle le décrit ainsi : « Il est insupportable et séduisant, narcissique et désinvolte, cynique et candide, déloyal et fidèle, connivent et traître, affectueux et assassin, pervers et écorché vif, grand seigneur sans foi ni loi ».

Ce livre ne peut qu’intéresser tous ceux qui suivent la politique car il va bien au-delà de la description de la vie d’un personnage fut-il le journaliste le plus médiatique du pays. Ses activités si diverses : directeur du Nouvel Observateur, du Figaro, du Point, animateur de télévision, de radio, membre de jurys littéraires, essayiste, écrivain, l’ont mis en contact avec les personnages les plus importants du système politique français. Sa personnalité hors norme l’a conduit à avoir avec eux des relations exceptionnelles au sens littéral du terme.

Ainsi, on reste parfois pantois du comportement des uns et des autres. Même si on suit de près les différentes péripéties de la vie politique nombreuses sont les informations que l’on découvre dans ce bouquin. Soulignons que le ton général du livre est très « brut de décoffrage ». Personne n’est ménagé, surtout pas Franz Olivier Giesbert.

Je ne peux que conseiller la lecture de cet ouvrage.

Marion Van Renterghem est grand reporter au Monde. Elle a obtenu le Prix Albert Londres, une des plus belles reconnaissances pour un journaliste.

Clemenceau – Portrait d’un homme libre de Jean Noël Jeanneney publié aux éditions Menges en mars 2005 (190 pages). Cette biographie d’un des hommes politiques les plus célèbres de la IIIème République ne prétend pas à l’exhaustivité. Elle se focalise sur quelques points forts de l’action et de la personnalité de Clemenceau.

Sont évoqués ainsi : son exil aux Etats-Unis, son mandat de Maire de Montmartre au moment de la Commune de Paris, son dévouement en sa qualité de médecin à l’égard des pauvres à Belleville, sa pugnacité politique le conduisant à faire tomber de nombreux gouvernements et sa passion pour les duels, à l’époque très fréquents. Il a affronté ainsi de nombreux adversaires tant au pistolet qu’à l’épée !

Son opposition à la colonisation conduite par Jules Ferry est aussi rappelée.

Puis, Clémenceau connaissant une sorte de traversée du désert -  il n’a pas été réélu durant presque dix ans – se reconvertit dans le journalisme. Il y gagne des galons de flamboyant polémiste, notamment au moment de l’affaire Dreyfus.

Revenu aux affaires, il dirige le gouvernement de 1906 à 1909. Durant cette période, il s’illustre en réprimant violemment les grèves en particulier dans les Postes et Télégraphes. Il y acquiert la mauvaise réputation qui lui vaudra le qualificatif de « briseur de grèves » qu’il traînera toute sa carrière.

Puis, bien sûr, cette biographie parle de son rôle déterminant dans la guerre de 1914-1918, ou plus exactement de 1917 à 1919 où, par son action et son courage, il devint le « père la Victoire » puis le négociateur du Traité de Versailles mettant un terme aux hostilités.

Est évoqué aussi, à la fin de cet ouvrage, « l’octogénaire amoureux » qui termina sa vie avec une femme – Marguerite Beldansperger -  de quarante ans plus jeune que lui.

Ce livre, bien que n’entrant jamais dans le détail d’une vie faite de tumultes et d’engagements forts, permet toutefois de bien cerner le personnage énergique, courageux et déterminé.

Ce fut un homme d’action faisant toujours face aux événements. Cela ne le rendit pas toujours populaire mais il a laissé la trace d’un politique hors norme auquel, si longtemps après sa disparition, quelques dirigeants d’aujourd’hui aiment à puiser dans son exemple des principes de comportement. Manuel Valls se réfère ainsi souvent à Clémenceau.

Soulignons que cette bio est illustrée de nombreuses photos et gravures d’époque.

Jean Noël Jeanneney est un écrivain à la carrière particulièrement variée : professeur à l’Institut d’études politiques, ancien ministre, président de Radio France et de RFI entre 1982 et 1986 puis producteur d’émissions hebdomadaires sur France Culture, il a aussi présidé la Bibliothèque Nationale de France.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages et documentaires historiques. Citons : Concordance des temps, chroniques sur l’actualité du passé XXème siècle (1987), L’avenir vient de loin, essai sur la gauche (1994), Victor Hugo et la République (2002).

La mort des autres de Jean Guehenno, essai publié en 1968 aux éditions Grasset (211 pages) consacré, pour l’essentiel, à une vaste et difficile réflexion sur la guerre. L’auteur y traite de celle de 1914-1918 mais ses propos valent pour toutes celles qui se sont succédé depuis. Celle de 1940 mais aussi tous les conflits locaux qui s’enchaînent de par le monde. Guehenno tente de « dénouer ce nœud de passions contradictoires, imbéciles que fut la guerre ». Il convoque, dans des sortes de dialogues, des personnalités opposées à la guerre et d’autres qui y sont favorables ou veulent l’instrumentaliser. Ainsi, apparaissent dans son livre : Jaurès, Péguy, Barrès, Rolland, Alain, Trotski, Lénine.

Il démonte avec minutie l’instrumentalisation du souvenir, « le monstrueux conformisme du souvenir », les monuments et les cérémonies qui font entrer la guerre dans l’Histoire et lui donner une noblesse qu’elle ne mérite pas.

Guehenno a écrit ce livre cinquante ans après avoir participé à la guerre de 1914-1918. Il décrit l’horreur de ce conflit, la soumission forcée de toute une génération emportée dans des combats ô combien sanglants. Si longtemps après il dit «  je n’ai pas accepté de me guérir de la guerre ». Il est dans le ressouvenir. C’est autre chose que le souvenir. Pour lui, le ressouvenir implique on ne sait quel ressentiment, quel remords, quelle révolte. La mort des autres est là, lancinante et toujours rappelée. Il termine son ouvrage par une confrontation avec lui-même dans un dialogue entre l’homme qu’il est devenu et l’homme qu’il était en 1915.

Il établit la différence entre Nation et Patrie et évoque l’Europe nécessaire.

J’avais déjà lu, il y a pas mal de temps, cet ouvrage d’un abord difficile et à l’écriture particulière. J’ai tenu à le relire dans la période des célébrations du 11 novembre. J’y ai retrouvé la méditation passionnée de l’auteur si opposée à la guerre. Tous ceux qui ont participé à une guerre, à un moment ou à un autre de leur vie, se retrouveront sans doute dans les propos de Jean Guehenno. Beaucoup penseront, je le crois, qu’il n’a pas tort lorsqu’il regrette l’idéalisation, dans notre société, de la guerre dans des commémorations multiples.

Jean Guehenno (1890-1978), écrivain et critique littéraire, fut d’abord professeur de lettres. Il commença à être connu par ses études sur Jean Jacques Rousseau. Il écrivit ensuite de nombreux ouvrages à forte coloration humaniste. Citons L’évangile éternel (1927), Caliban parle (1928). Puis, après la guerre de 39-40 - il participa activement à la Résistance – il publia plusieurs ouvrages à caractère autobiographique : Journal des années noires (1947), Carnet du vieil écrivain (1971). Ces livres poursuivent ou précèdent : Journal d’un homme de 40 ans et La mort des autres. Ils sont de la même veine.

Jean Guehenno fut élu à l’Académie française en janvier 1962.

Bonne éventuelle lecture.

 

Jean Félix Madère

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